Article original écrit en anglais par Caren Keller Niss, (traduction: Vincent Châtel).
Treblinka, construit en 1941 pour servir de camp de travail forcé accusés de crimes par les troupes d'occupation, était situé à environ 80 km au nord est de Varsovie, en Pologne. Un peu moins d'un an après l'ouverture de ce camp qui sera connu plus tard sous le nom de Treblinka I, un second camp fut construit, camp qui deviendra très vite un outil majeur dans le plan d'extermination des juifs conçu par le Troisième Reich. Treblinka II, construit par des firmes allemandes employant des prisonniers juifs et polonais, devait servir de centre d'extermination pour les juifs d'Europe Centrale.Situé à environ 2 km du premier camp, Treblinka II devint très vite le principal centre d'extermination nazi. Dans son ouvrage, "The Destruction of the European Jews," l'historien Raul Hilberg rapporte que de nombreux juifs du ghetto de Varsovie furent employés lors de la construction de ce second camp. (1 - voir notes à la fin de cet article). Les premières opérations d'extermination commencèrent le 23 juillet 1942 lorsque l'évacuation du ghetto de Varsovie fut décidée. Dès cet instant, Treblinka II allait abriter la machinerie qui allait exterminer plus de 265.000 juifs de Varsovie. Opérant dans le plus grand secret, le camp était entouré d'une double enceinte barbelée et électrifiée, l'enceinte intérieure étant de plus camouflée par des branchages afin de mieux cacher les opérations en cours.
Un des très rares documents photographique de Treblinka:
Des prisonniers du "Straflager" tirent un chariot chargé de billes de chemin de fer pour la préparation d'un bûcher
en vue de l'incinération des cadavres.
Comme dans tous les autres camps d'extermination, une procédure visant à convaincre les juifs qu'ils allaient être simplement déplacés fut mise en place à Treblinka. Cette procédure bien huilée visait à réduire au maximum les possibilités de résistance ou de rébellion des victimes. De nombreuses ruses furent utilisées à cet effet. Ainsi, une étoile de David fut installée sur la façade de la chambre à gaz. De même, une inscription en Hébreu était placée sur un panneau situé à l'entrée de la chambre à gaz. Ce texte disait "Ceci est la porte par laquelle les Justes passent". Ces deux exemple ne sont pas uniques.(2)(3) De nombreuses "améliorations" furent apportées a ces procédures. Ainsi, parce que le camp ne pouvait accueillir de longs trains (les quais de débarquement étaient trop courts), les convois étaient divisés et les wagons étaient envoyés vers le camp par petits groupes. (4)
Les victimes arrivaient par convois de 5 à 7.000 personnes. Dès leur arrivée, un officier SS expliquait qu'ils étaient dans un camp de transit. Les prisonniers étaient ensuite soumis à une sélection au cours de laquelle les femmes et enfants étaient séparés des hommes. Ceux qui étaient trop faibles ou trop malades pour marcher étaient placés dans un groupe à part. Ce groupe était ensuite discrètement mené vers un fossé situé près de l'infirmerie où ils étaient exécutés (5). Toutes les autres victimes étaient ensuite conduites vers une baraque ou on rasait leur cheveux. On leur distribuait également des cartes postales et on leur conseillait d'écrire à leur proches des nouvelles rassurantes. Ces cartes étaient ensuite envoyées par le personnel du camp et devaient encourager les familles à ne pas se méfier des déportations (6) Cette opération terminée, ils étaient envoyés vers les chambres à gaz.
Une fosse commune à Treblinka.
Treblinka avait à l'origine trois chambres à gaz. Très rapidement, trois autres chambres à gaz furent ajoutées. (7) Installées dans un bâtiment de briques, ces chambres à gaz étaient camouflées en salles de douche. Le gaz était envoyé par l'intermédiaire des pommeaux de douche installés au plafond (8) On prétendait aux prisonniers qu'ils allaient être douchés afin de les désinfecter. Tous entraient par la même porte. Une fois entassés à l'intérieur de la chambre, un allemand criait "Ivan, l'eau!" et immédiatement un des gardes ukrainien envoyait le gaz. Contrairement à une idée répandue, le gazage était lent et l'agonie des victimes pouvait durer jusqu'à 40. Dû à l'entassement extrême des victimes dans la chambre à gaz, il n'y avait aucune place pour bouger.. (9) Après que les cris se soient tus et que tous soient morts, une équipe de prisonniers évacuait les corps par une porte située à l'opposé de la porte d'entrée. Les cadavres étaient alors examinés par des prisonniers afin de trouver d'éventuels bijoux ou valeurs dissimulés. Après cette ultime fouille, les corps étaient transférés vers des fosses communes. Lorsqu'en automne 1942 il ne fut plus possible d'enterrer les cadavres dans des fosses communes, les SS ordonnèrent que les corps soient exhumés, placés sur des rails et des billes de chemin de fer et brûlés. (10) Dès que les cadavres étaient évacués, les chambres à gaz étaient nettoyées et préparées pour le gazage suivant.
Tandis que les victimes étaient gazées, une équipe de prisonniers était chargée de vider les wagons et d'évacuer les corps de ceux qui étaient morts au cours du transfert vers le camp. Les bagages, les vêtements et les biens des victimes étaient triés, rassemblés puis transférés en Allemagne. Une fois les wagons nettoyés, le train repartait pour prendre en charge un nouveau convoi. (11)
Tous les déportés arrivant à Treblinka n'étaient pas immédiatement gazés. En effet, certains étaient envoyés dans les équipes de nettoyage, de tri ou de crémation des corps. Ces déportés ne disposaient cependant que d'un court sursit et tous étaient gazés après quelques semaines afin d'éliminer les éventuels témoins.
Le camp était à l'origine commandé par l' Obersturmfuhrer SS Imfried Eberl. L' Obersturmfuhrer SS Franz Stangl le remplaçât en août 1942. Le personnel du camp était composée d'allemands et d'ukrainien. Une trentaine de SS étaient affectés à l'administration du camp. Une petite centaine d'autres, ainsi que 20 Ukrainien, étaient affectés à la garde du camp, au personnel de sécurité ou aux équipes de gazage. De 700 à 1.000 prisonniers juifs étaient affectés aux travaux décrit dans le paragraphe ci-dessus. (12)
Treblinka est entré en activité le 23 juillet 1942 en même temps que les premières évacuations du ghetto de Varsovie. Le 21 septembre 1942, soit après à peine 2 mois d'activité, plus de 245.000 juifs du ghetto ainsi que de 112.000 juifs en provenance d'autres endroits dans le district de Varsovie y avaient été assassinés. (13) Plus de 337.000 juifs du district de Radom, 35.000 du district de Lublin et 107.000 du district de Bialystok y furent exterminés dans les mois qui suivirent, ainsi qu'environ 738.000 juifs du Gouvernement Général. Des milliers de juifs en provenance d'autres pays y furent également exterminés: 7.000 de Slovaquie, 8.000 venant du camp de concentration de Theresienstadt, 4.000 juifs de Grèce, et 7.000 juifs de Macédoine. Plus de 2.000 tziganes furent également exterminés à Treblinka. (14)
Ii y eu de nombreux actes de résistance à Treblinka. Les révoltes d'individus ou de même de convois n'étaient pas exceptionnels et occasionnèrent la mort de plusieurs SS et Ukrainien. Un mouvement de résistance clandestin existait dans les deux camps. L'acte de résistance le plus important eu lieu en août 1943. Un groupe d'une cinquantaine de prisonniers décida de voler des armes à l'armurerie du camp afin de détruire les installations et de permettre à un maximum de déportés de s'évader et de se cacher dans les forêts environnantes. Ce groupe tablait sur l'espoir que, dès que la rébellion aurait commencé, un grand nombre de prisonniers se joindraient à eux. Alors que l'opération débutait, les soupçons d'un SS forcèrent le groupe de résistants à déclencher la révolte plus tôt que prévu. Avant même que l' officier SS Kurt Kuttner ne puissent alerter les gardes les prisonniers ouvrirent le feu et incendièrent des baraques. Des centaines de prisonniers se ruèrent sur les enceintes barbelées et les forcèrent. La grande majorité d'entre eux furent tués par les SS postés dans les miradors. Sur les 750 prisonniers qui tentèrent de s'échapper, seuls 70 d'entre eux survécurent à la guerre. (15)
Alors que les forces alliées se rapprochaient des frontières du Reich, il fut décidé d'évacuer le camp à l'automne 1943. Des ordres stricts furent donnés pour que toute trace de l'existence de Treblinka soient effacées. Une ferme fut construite sur le site du camp et un garde ukrainien en pris l'exploitation. (17)
Mémorial de Treblinka.