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J'ai connu Dovid Ruzhe avant qu'il ne vienne à Kałuszyn, du fait qu'il était le plus grand négociant en bois de Cegłw. En 1908, il possédait des forêts et une scierie derrière Nashelsk, en association avec Shmuel Miodovnik.
Mon oncle Yantshe Ostshego tenait les comptes de ses forêts. Et une fois, lors d'une visite chez mon oncle, j'ai eu l'occasion de reconnatre Dovid Ruzhe. Je l'ai vu arriver, portant une fourrure, un chapeau en peau de phoque, des gants en cuir et des bottes en feutre. Il faisait immédiatement ses prières après avoir fait la route sans encombre. Puis, lors de sa visite dans les forêts, j'ai eu l'occasion de voir à quel point les ouvriers entretenaient de bonnes relations avec leur patron. Reb Dovid disait toujours qu'il fallait donner aux ouvriers un fagot de bois, et les jours froids d'hiver, il se souciait toujours d'offrir une bouteille d'alcool aux ouvriers.
Pour moi, Dovid Ruzhe était bien plus qu'un voisin. Il possédait deux maisons. Beaucoup de pauvres habitaient l'une d'entre elle et ce n'est pas de gaieté de cur qu'il s'était résolu à expulser les pauvres locataires de leur demeure, au moment o, en 1911, il avait entrepris la construction d'un moulin fonctionnant à l'électricité. Chez lui, les pauvres ne payaient pas de loyer et aucun propriétaire n'était prêt à les prendre.
Mais reb Dovid leur a cherché des appartements, a abattu la maison et a construit le grand moulin. Reb Moshé Kamienny en était le chef de chantier, celui-là même qui a aussi agrandi la grande synagogue. Reb Dovid Ruzhe a aussi fait construire des boucheries sur la place du marché de la ville.
Des dizaines d'ouvriers juifs ont travaillé au moulin. Les relations étaient sans équivoque, faites de confiance et de respect réciproque.
Dans la maison de reb Dovid, la « Hevre Kadishe » [1] donnait de grands repas. Les hassidim de Skierniewice [2] faisaient aussi la fête. Reb Ruzhe était vraiment généreux et se distinguait en donnant dans la plus grande discrétion. Le Shabbat, j'ai eu plusieurs fois le plaisir de voir reb Dovid sortir de l'office, entouré de ses gendres et enfants, et deux trois personnes invitées à sa table.
Chaque jour, reb Dovid, en sus du travail et de la prière, trouvait du temps pour étudier un livre et même jeter un il dans les journaux pour lire les dernières nouvelles. Quant à son épouse Tsipe Roze, des femmes venaient la voir avec des lettres « difficiles à comprendre » qu'elle se chargeait de leur expliquer. Il y avait aussi chez eux de la bienveillance pour les enfants. On les envoyait étudier à l'école. L'aîné, Isroël était conseiller à la mairie.
De toute cette grande famille ne sont restés que la fille Myriam et le fils Akiva, tous deux en Israël.
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La famille Ruzhe dans la cour du moulin |
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Traduit par S. Staroswiecki
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Borekh Vievorke est arrivé en Israël après les terribles années de guerre. Il faisait partie des survivants de notre ville qui avait enduré un long chemin, fait de souffrances de l'occupation allemande, puis de dures expériences en Russie o il avait pu s'échapper avec ses petits-enfants. Le plus jeune d'entre eux étant passé de Téhéran en Israël, et à la première opportunité, Borekh Vievorka avait tenté sa chance et était arrivé ici. Tout comme des milliers d'immigrants illégaux, les anglais l'ont détenu dans les camps de Chypre jusqu'à l'heure tant espérée, celle de son arrivée en Israël. Comme tous les nouveaux émigrants, il s'est confronté aux problèmes d'intégration. Il avait aussi ses enfants à charge, mais dès qu'il a posé le premier pas sur cette terre, il s'est fait remarquer par sa profonde camaraderie et son intérêt pour tout ce qui avait trait aux sujets de l'amicale des originaires de Kałuszyn. Il s'est adapté à son travail, est devenu membre du comité de l'organisation des originaires de Kałuszyn, et sa maison est devenue un centre des camarades de Kałuszyn, de réunions, de rencontres et de fêtes des anciens de sa ville natale.
Il fut un des fondateurs de la caisse de « gmiles hassidim [1]», de l'association des originaires de Kałuszyn, et il a concouru à l'organisation des fêtes et des cérémonies du souvenir.
Il laissait partout la trace de ses initiatives, de sa dévotion fraternelle et de sa compréhension pour les actions concrètes à mener. Il poussait aussi ses enfants adultes à prendre part aux activités et ils l'aidaient, à sa plus grande joie, pour tout ce qui avait trait à la société de kałuszyn, dans laquelle il s'était complètement investi.
« L'organisation des originaires de Kałuszyn » n'a pas eu le plaisir de collaborer longtemps avec notre cher Borekh Vievorka. Il est mort en mars 1953. Tous ses camarades de Kałuszyn ont été profondément attristés ici, en Israël, de la perte de cet ami chaleureux et de ce militant dévoué aux affaires de tous.
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Traduit par S. Staroswiecki
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Il marchait d'un pas silencieux et avait une attitude modeste. Il parlait peu et sans pathos. Ses yeux, toujours tristes, étaient en larmes quand il riait. Toujours mesuré et soucieux de ne blesser personne par ses paroles. Il ne parlait jamais « de fa çon pédante » selon la mode, mais simplement, concrètement. Et il terminait ses paroles par une allusion aux tâches qu'il fallait faire. Son absence de joie était bien sûr en relation avec l'atmosphère qui régnait chez lui.
Son père était sourd–muet, et Hersh était né sur le tard. Ses surs et ses frères étaient mariés depuis longtemps et lui, le plus jeune était resté seul avec ses vieux parents. Les discussions, l'agitation et les chants qui constituaient la vie et la joie de tous les foyers, étaient chose rare chez les parents d'Hersh. En raison de sa sensibilité, Hersh avait honte quand l'un d'entre nous voyait la fa çon dont il « parlait » avec son père. Cela lui faisait mal.
Il était honnête jusqu'au bout des ongles. Jamais personne n'a trouvé en lui le moindre défaut, il était pour nous comme un vétéran, malgré qu'il ne soit pas l'ainé de ses camarades. Il a aspiré au communisme avant nous tous, alors qu'il était encore à la maison. Sa sur Feyge et son frère Yehiel ont fait des précurseurs de ce qui deviendra le parti communiste. Après le retrait de l'Armée Rouge, ils furent forcés de rester en Union Soviétique, Hersh était déjà un communiste convaincu.
Pendant que nous, enfants de 10-11 ans prions encore, et que nous n'osions pas sauter un office, Hersh allait déjà avec « les jeunes qui lisaient », les amateurs de littérature, et même dans la maison d'études, il sortait de sous sa capote un tract, un journal. C'était du matériel de propagande du SDKPL [1], ramené directement du cercle « viedze [2] » qu'il était le seul jeune à fréquenter.
Quand l'organisation communiste devint officielle, il en fut le premier secrétaire et représentant du comité de la région de Misk Mazowiecki. Le communisme était pour lui comme une partie organique de son être. Son idéal était constitué de croyance et de conviction. Quand, il a connu de grandes difficultés matérielles, il a ouvert un commerce d'eau gazeuse pour en vivre, ainsi que sa femme et son fils. Il a douloureusement mis de côté ses sentiments, son éthique sociale qui n'allait pas de pair avec sa situation de commer çant. Il n'avait pas trouvé d'autre issue que de partir en Union Soviétique voir ses frères et surs.
Hersh a eu la chance de vivre selon l'ordre qu'il avait rêvé d'établir et de contribuer à sa construction. Mais ses jours heureux étaient comptés. Il subit la même tragédie que celle de centaines et milliers d'hommes de révolutionnaires aux âmes pures comme le cristal. Il fut accusé d'être un agent de l'impérialisme international, et, parce qu'il n'avait pas voulu céder aux accusations, il ne fut condamné « qu'à » 10 ans de prison. Les souffrances de notre ami furent longues. Non seulement son corps, devenu malade le faisait souffrir, mais son esprit, qui se sentait broyé par le chaos et le despotisme souffrait plus encore. L'idéal de tous ceux qui avaient cru honnêtement en un futur meilleur avait été souillé. Hersh Lis finit sa vie quelque part dans les geôles de Staline. Pour nous son âme est restée nette, pure, sans tâche.
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Updated 02 Dec 2012 by JH