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C'est en charrette que je suis parti en direction de Wengrov, puis vers Sokolov, puis de Drogotchin en direction de Semioticze Les avions de chasse allemands vrombissaient au-dessus de nos têtes et bombardaient les routes. La piste d'atterrissage de Biale Podolski avait brûlé et on voyait les flammes dans toute la région. Sur la route, on entendait dire que Kałuszyn était entièrement cernée par les flammes.
Je venais à peine d'arriver à Semioticze que ma maison devenait le lieu de rassemblement de tous les réfugiés de Kałuszyn. A l'époque, Semioticze était une ville frontière et les réfugiés tentaient leur chance pour passer du côté russe. Les Kałuszyner arrivant à Semioticze de notre ville en feu s'étaient entassés chez moi et nous essayons, ma femme et moi de les aider du mieux que nous pouvions.
Une espionne allemande
Le soir, une chrétienne est venue m'acheter une petite fourrure. Elle m'a adressé la parole en Polonais, et pourtant, elle me paraissait suspecte. Elle a acheté le manteau et s'en est allée. Mais à peine était-elle sortie de chez moi, que la police polonaise l'a arrêtée. C'était en réalité une allemande. Bientôt, les Allemands sont rentrés dans Semioticze et on m'a immédiatement arrêté ainsi que mon fils. Mon fils a été libéré en échange de pommes et de poires.
Ma femme a tenté également de me libérer et après avoir reçu des attestations du rabbin, du curé et de deux autres habitants importants, j'ai été libéré. Dès ma libération, je décidai de quitter la ville avec toute ma famille pour un village chez des amis chrétiens.
Caché chez Lishtshanski
Sur la route, on nous a tirés dessus et chacun pensait que l'autre avait été tué. Nous nous sommes séparés sur la route. Mes enfants sont partis avec mes proches dans une autre direction.
Ma femme, ma jeune fille et moi-même, nous sommes mis en route vers la maison de Lishtshanski. Après être resté près de trente jours dans un bunker, nous étions méconnaissables, à tel point que la paysanne ne nous a pas reconnue. Elle nous a installé dans le foin et pris la fille avec elle. Zelle lui a posé des ventouses parce qu' «elle était très enrhumée et ensuite nous a rendu l'enfant. Nous avons offert des cadeaux à la paysanne parmi les objets que nous avions emportés avec nous un châle noir, des boucles d'oreilles, ainsi que de l'argent pour d'acheter un cochon pour les Allemands afin qu'ils ne rodent pas autour de la maison.
Les retrouvailles
Une chrétienne est venue et nous a raconté que l'on avait attrapé deux hommes dans la région et trois femmes.
Nous étions persuadés qu'il s'agissait d'eux, de nos proches et nos enfants.
Alors, j'ai dit à ma femme que je n'avais plus de raison de vivre et que j'allais me suicider. Ma femme s'est mise à pleurer et elle m'a protégé, et sauvé
Nous étions dimanche. Jusqu'au lundi matin je n'ai pu me rétablir, ni manger, ni dormir et lorsque j'ai pu m'endormir pour la première fois, j'ai rêvé de ma première femme décédée et je me suis rappelé lui avoir fait la promesse de protéger les enfants
Je l'ai raconté en pleurs à ma femme, elle m'a consolé mais j'ai répété que je ne saurais vivre sans les enfants. Le lundi soir, le chrétien m'a fait signe de descendre à la chambre. J'y suis allé et j'ai vu un jeune homme hirsute aux grandes moustaches sans savoir de qui il s'agissait. Soudain, la femme s 'est mis à gémir, et est tombée en s'évanouissant en poussant un hurlement : Quelle dure époque ! Un père ne reconnaît même pas son fils ! Ce n'est qu'à ce moment que j'ai reconnu mon fils. Et j'ai poussé un cri. Ou Est Malie ?
Mon fils m'a calmé on m'a dit qu'elle était en vie et se trouvait dans un bunker.
Mon fils sortait à chaque fois de sa cachette pour rencontrer un chrétien qui travaillait auparavant chez moi en tant que fourreur. Ainsi que mon fils me l'a raconté, ce même gentil ne le laissait pas en paix et exigeait qu'il aille à ma recherche.
Ce même gentil lui avait dit que chez Soltis, il avait regardé la liste de tous les morts de la région et que nos noms n'apparaissaient pas. C'était donc un signe que nous étions en vie. Ce non-Juif a continué à le blâmer et à lui faire peur, lui disant que s'il ne nous cherchait pas, il ne survivrait pas non plus à la guerre.
Mon fils nous a cherchés tout le temps. Il est passé deux fois devant la maison des Lishtchanski sans arriver jusqu'à nous.
Mon fils était couvert de boue, hirsute et avait une apparence effrayante. Lishtchanski l'a débarbouillé et lui a donné un repas avec de l'eau de vie. Ensuite, mon fils nous a rejoints pour dormir dans le grenier.
Au village, les chiens aboyaient et nous, dans l'obscurité avons parlé tout le temps de nos aventures, de ceux qui étaient restés en vie et de ceux qui avaient été assassinés.
Nous avons discuté avec le chrétien afin de tout arranger pour nos enfants. Nous avons donné au chrétien plusieurs cadeaux et des couvertures que nous avions avec nous. Le chrétien a donné du pain et des poires à mon fils et est reparti à la recherche de Malie.
Pendant la nuit, nous avons entendu des aboiements des chiens et des pas dans la cour. Tout le temps, le chrétien nous a laissait le grenier ouvert et mon fils ainsi que Malie y était rentré. Tout le long du chemin, mon grand fils n'a pas raconté ou nous allions, ayant peur d'échouer et ce n'est que dans la grange que le secret fut découvert.
Au printemps, le chrétien ne sait plus que faire de nous
Lichtchanski ne nous laissa pas en paix. En effet, le printemps approchait. Il allait devoir prendre le foin du grenier et nous n'aurions plus ou nous cacher. Il nous en a parlé et a manifesté son inquiétude.
Il est parti en discuter auprès de ses frères. Un d'eux, un curé de Siedlce et le deuxième, un vétérinaire de Drogachtin. A près avoir consulté ses frères, il prit la décision de nous garder encore chez lui et de nous transférer du grenier au bunker. Quelques jours sont encore passés et Lichtchanski, notre patron s'est mis à creuser un bunker avec son frère le curé.
Il a creusé un bunker dans le bois, en face de ses fenêtres, et de notre grenier, nous avons vu s'approcher quatre gendarmes.
J'ai dit à ma femme que tout était fini, mais par chance, ils n'ont pas remarqué qu'un bunker était en cours de construction et ils sont partis.
La nuit, le creusement se poursuivait et le paysan m'appela en renfort, afin d'emporter la terre qu'il avait creusée. Le bunker fut recouvert et ensuite, le non-Juif fit venir des moutons sur place pour effacer les traces.
Huit Juifs de plus chez le même chrétien
Qui aurait ou penser que non loin de nous, chez le même Lichtschanski se trouvaient cachés huit autres Juifs ?
Le non-Juif ne nous l 'avait jamais dit, n'avait jamais fait ma moindre allusion. Les huit Juifs étaient cachés chez lui dans un autre bunker. En fait, ce même Lishtshanski touchait de l'argent de toutes les personnes qu'il cachait. Mais l'argent n'était pas la seule raison pour laquelle il cachait les Juifs parce qu'il s'était mis en danger.
La nuit, nous sommes allés arranger l'entrée et les lits de notre bunker. Le non-Juif nous avait donné de la paille et des peaux de moutons. Sur le chemin, j'ai persuadé mon fils de chercher le groupe de Juifs que ma fille avait remarqué. Nous avions cherché tout autour de nous dans l'espoir de les découvrir, mais nous n'avons rien vu, et suivant le conseil de mon fils, nous nous sommes mis à taper la terre. Mon fils me disait que là où nous sentirions une certaine chaleur, ce serait le signe que des personnes s'y trouveraient.
Nous avons tâté la terre et y avons senti de la chaleur. J'ai commencé à crier et les Juifs sont sortis du bunker. On aurait dit des morts vivants. Le chrétien s'est aperçu que nous avions découvert la cachette des huit Juifs. Il est venu nous voir et nous a servi de l'alcool ! Il nous a consacré tout son temps à s'occuper de nous et nous apporter à manger.
Des troubles avec les partisans polonais
En 1943, un beau dimanche ensoleillé un jeune voyou a découvert notre bunker, y a jeté un il et s'est enfui (Après la guerre, je me suis trouvé face à cet homme et m'a dit qu'il l'avait fait uniquement par pure curiosité).
Nous fûmes saisis d'une grande frayeur. Nous sommes partis du bunker et nous sommes cachés dans les champs de maïs.
Cachés et allongés, nous avons entendu qu'on coupait le mais. Comme on s 'approchait de nous, nous nous sommes aussitôt enfuis et retournés au bunker.
Quelques jours auparavant, les partisans polonais avaient découvert le bunker des huit autres Juifs.Ils avaient détruit le bunker et les avaient battus sauvagement.
En sortant du bunker, mon fils a remarqué qu'il était suivi. Il s'est échappé dans le champ de maïs et a pu sauver sa vie. Une fois, ma fille est tombée sur des partisans (parmi eux se trouvait un soldat soviétique). Elle a pleuré devant eux et ils l'ont ramené au bunker là ou se trouvaient les huit autres et l'ont libérée là bas.
Après la nuit, après que l'on nous ait pris notre fille et que nous ne savions pas ou elle se trouvait, nous sommes partis à l'aube, ma femme et moi à sa recherche.
Les partisans nous ont encerclés. Ils m'ont dépouillé de mes bottes et ma femme de ses chaussures.
Grâce à un bijou que j'avais avec moi, j'ai pu récupérer les chaussures et les bottes et nous avons pu revenir tranquillement au bunker et nous y avons retrouvé notre fille.
Cacherout dans le bunker
Dans le bunker des huit autres personnes, l'abatteur rituel de Semioticze prenait soin en permanence de la cacherout et ne voulait pas manger de nourriture impure (non casher). C'était un Juif trapu et de grande taille et au fil du temps, il maigrissait et se flétrissait, se rabougrissait. Il ne réussit pas à passer l'hiver avec sa peau chétive et il est mort au bunker. Avant sa mort, il m'a confié je me suis perdu tout seul. Il laissait une fille en Amérique.
Mon fils achète une carabine
En échange d'une bonne montre Doxa, mon fils s'est procuré un fusil et des balles auprès d'un paysan. Avec un fusil on pouvait faire quelque chose, se procurer à manger.
Quelques temps après, mon fils a été attaqué et on lui a pris son fusil. Un Juif de Siedlce m'a raconté sans le vouloir qu'il s'était approprié un fusil et il s'est avéré qu'il s'agissait du fusil de mon fils.
Un certain jour, mon fils a rencontré un voyou qui était armé de la famille des Giltchinski. Les Allemands avaient assassiné sa famille et le voyou était avec mon fils dans un bunker chez les Giltchinski. Quand les soviétiques se sont rapprochés, le jeune fils des Glitchinski a laissé entendre qu'il ne voulait plus de Juifs chez lui. Mais mon fils, qui était à nouveau armé l'a menacé avec des mots très durs, qu'il allait le tuer et le brûler, et le non-Juif a renoncé aux exigences de son jeune fils et a dit les Russes se rapprochent et ce qui arrivera à vous arrivera à nous aussi.
Une nouvelle : Des soldats soviétiques
Un vendredi, Lishtshanski nous a apporté du pain ainsi que les nouvelles suivantes : Les troupes soviétiques étaient proches. Il nous avait conseillé de rester caché et de ne pas bouger en raison de la situation confuse.
Et pourtant mon fils est sorti de sa cachette chercher à manger. Sur les routes, les Madiars brûlaient et tuaient, encore plus que leurs maîtres allemands. Retenu à un poste soviétique, des officiers l'ont interrogé pour savoir si des Juifs se cachaient dans la région. Le chef des officiers, un Juif lui a donné à manger, a discuté longtemps avec lui et suggéré d 'amener avec lui père et mère et de traverser ensemble les lignes de combat. Mais en même temps, il lui a conseillé d'être prudent parce que la situation pouvait changer.
Nous étions samedi et le lundi matin, l'armée russe n'était déjà plus là. Le chrétien se désolait : pourquoi nous n'étions pas partis avec eux ? L'armée russe fut de retour le mardi et mes enfants eurent dans l'idée de se rendre à la ville vers Semioticze. Mais ils furent arrêtés à un poste russe et on les a prévenus que des allemands se trouvaient encore dans la ville ;Les Allemands avaient brûlé les villages avec des Madiaran (maghiars) et on entendait des tirs en provenance du bois. L'artillerie russe se fortifiait.
Ma femme est partie chercher à manger auprès d'un ami chrétien et on l'a arrêté sur le chemin. L'officier avait reçu l'ordre de mener les Juifs à Mileitchitz.
Un officier judéo -russe s'est occupé de nous. Il nous a donné à manger et des cigarettes. Il a plaint notre sort en trouvant des mots chaleureux. Nos avons retrouvé nos enfants en chemin.
Un cavalier est arrivé de nuit nous intimant de nous enfuir.
Le général, un Juif russe a annoncé qu'il s'agissait d'une armée spéciale qui s'était frayé un à travers Tcheremekhe et qu'il était tout à fait possible que nous soyons tous attaqués par les Allemands , puis, il nous a calmés en disant qu'il allait opérer une retraite dans peu de temps mais qu'il reviendrait bientôt.Il a mis un véhicule à notre disposition, pour nous mener à Mileitchitz.
La situation était vraiment telle que le général nous avait décrite ; Les divisions russes étaient encerclées mais pourtant, elles avaient nouveau percé le front.
Un officier juif est venu nous voir à nouveau. Il nous a apporté à manger, discuté avec nous et nous a demandé de ne pas parler de sa judéité.
De Mileitshitz à Guenevke
Mileitschitz était à feu et à sang à cause des fusillades et des bombes et on nous a conduits plus loin à Guenevke dans un véhicule militaire.
Il pleuvait des bombes.
Nous sommes descendus du véhicule et seule ma jeune fille est restée.Le véhicule a été bombardé et c'est par miracle que ma jeune fille est restée en vie. L'officier juif s'est réjoui avec nous que nous soyons arrivés sain et sauf et tous restés en vie. La route était jonchée de morts.
Pendant trois jours, les massacres se sont poursuivis sans interruption. Les Russes ont exigé des paysans qu'ils leur amènent à manger pour nous et ont réglé par ordre militaire. Tôt le matin, le véhicule nous a conduits sur des pilotis à travers les étangs en direction de Guenevke. Un officier juif nous a amené à l'hôpital. Il nous a apporté un récipient afin de traire le lait de vache et un sac pour ramasser les petits pois.
De Guenevke à Semioticze
La grande marche de l'Armée soviétique était en route. Il était étrange de voir les grandes divisions avec tanks et chameaux. On nous a détournés de Guenevke à Bijalowiecz. Aucun non-Juif ne nous a accueillis chez lui et un soldat nous a fait rentrer dans la maison d'un curé.
Nous y avons passé la nuit et au matin on nous a redirigé pour Rojonay.Un officier juif nous a conseillé de ne pas poursuivre plus avant, car la famine régnait dans les territoires plus avancés. Nous sommes restés à la gare de Rojonay, et à nouveau un soldat juif est venu vers nous. Il nous a attribué un appartement, apporté du pain, de la viande et du sucre, et il venait nous voir presque toutes les heures. Un officier juif nous a fourni un laisser passer et nous a fait partir.
A Kałuszyn après la guerre
Je n'ai pas reconnu Kałuszyn et jusqu'à ce que j'arrive au pont de Varsovie, je ne savais pas ou je me trouvais. Je ne reconnaissais que le verger de Stach et en fonction de cela je me suis orienté et j'ai pu retourner vers la ville.
J'ai demandé s'il y avait des Juifs dans la ville et on m'a indiqué que la famille Berman s'y trouvait. J'ai traversé les ruines de la rue de Varsovie avec un sentiment étrange, me rendant directement chez les Berman et je suis tombé sur Mendel Berman. La famille Berman était restée cachée pendant tout le temps dans un bunker. La femme de Mendel et sa fille étaient mortes dans le bunker et sa fille Feige, de retour au bois était morte ces derniers jours à Kałuszyn.Shmuel Lev était aussi retourné à Kałuszyn de la région de Semioticze avec sa femme Hadassa Rozenfeld.
Chez la Stachove, la femme du maire polonais de longue date, j'ai demandé si elle pouvait me laisser un appartement pour que j'y habite. Elle m'a répondu que tous les appartements appartenaient à présent à Shmuel Lev. A ce moment là, on l'avait nommé maire de la ville.
J'ai déambulé à travers les ruines à la recherche de traces de la vie passée. Seules quelques maisons étaient restées debout comme des derniers témoins : les maisons de Joseph Yowovski, Hertzke Kuperboim et plus loin, en descendant vers le pont, les maisons de Zimerman, Moshé Kishelnitski, Menashé Baal Agala, Kuropathe. Sur la nouvelle chaussée, sur la route de Mrozi, se tenaient encore les maisons de Mendel Shpantzer, Fetzel Aharonson, le petit Elie Goldstein et Shenitzki. Le moulin de Rogès tenait encore. Je suis allé voir le cimetière et j'y ai vu que tout avait été égalisé avec la terre, sans clôture, sans pierre tombale et sans arbre.
Sur le chemin, un policier m'a arrêté et m'a amené chez Shmuel Lev, le maître de la ville. Il habitait à l'époque dans la maison de Menashé Balagoles et je lui ai parlé et averti que sa vie était en danger et que même s'il avait une carabine ou un revolver, ce ne serait pas suffisant.
Il m'a dit qu'il n'était pas devenu maire de la ville de par sa volonté, mais que l'on avait désigné et forcé.
Les chrétiens n'ont pas supporté que le maire soit juif et l'ont assassiné à son domicile. Un des fils de Nissan Katsav, un cordonnier a été tué avec Shmuel Lev. Ils ont laissé en vie sa femme Hadassa et n'ont pas touché aux locataires des autres habitations. Les hooligans ont envoyé une lettre aux Berman pour qu'ils restent en ville parce qu'ils avaient besoin d'un charretier et assurèrent qu'ils ne s 'en prendraient pas à eux. Le parti communiste a transporté le corps de Shmuel Lev à Minsk Mazowiecki afin qu'il y soit enterré avec respect. Mais avant même que l'on procède à son enterrement, les derniers Juifs ont quitté la ville. La famille Berman, Akiva Rogé, Shie Berman et Eyzik Shliomkes .Ils sont tous partis à Varsovie et la ville est restée sans Juif.
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Traduit par S. Staroswiecki Lors de ces grands jours de destruction de Kałuszyn, après que nous soyons sortis de l'église où les allemands nous avaient détenus pendant deux jours, nous nous sommes retrouvés, Shmuel Lev, Israël Tayblum, Hadassa Dzhondzhinski, Hadassa Rozenfeld et moi-même pour réfléchir ensemble à la situation. La destruction était grande, les ruines fumaient encore, et tout était détruit jusqu'aux fondations, même le fait d'enterrer les morts signifiait des coups et des meurtres, une ville entière était restée sans toit et les sans-abris se terraient dans la synagogue et dans l'usine de Royzman sans solution de secours. Que fallait-il faire ?
La ville était littéralement sens dessus dessous, tout portait à croire que les allemands se retiraient, et d'après leur accord avec les russes, Kałuszyn devait revenir à la Russie. Mais il s'avéra vite que les allemands restaient et que celui qui voulait se sauver, devait le faire maintenant et prendre la route de Siedlce Nous avons décidé de quitter la ville en emportant quelques menus objets et nous sommes partis dans la direction de Siedlce.
Il faisait nuit, nous sommes arrivés au village de Bojmie.
20 ans avant à peine, à l'époque de la guerre russo- bolchévique, de terribles meurtres avaient eu lieu contre les juifs de Kałuszyn. A présent, tout me revenait en mémoire, ce sentiment m'était pénible, aucun de nous n'était tranquille et voulait parler, mais nous nous efforcions de nous taire.
A Bojmie, nous avons recherché un fermier juif, qui habitait ici depuis de nombreuses années .Vêtu comme un chrétien, il avait réussi jusqu'à présent à se cacher des allemands. Nous nous sommes réjouis avec lui, mais nous ne nous sommes pas attardés chez lui, la route était proche et malheur à nous tous si les allemands pouvaient voir qu'il y avait un groupe de juifs. Nous sommes partis dans les champs pour y passer la nuit. Dans le froid et la peur, chacun s'est caché en attendant le lendemain.
Nous avons tenté notre chance très tôt le matin, et après être allés longtemps en éclaireur, nous sommes tombés sur une patrouille russe qui a écouté nos complaintes. Nous leur avons dit que nous étions des ouvriers d'un village qui avait brulé et que nous voulions passer la frontière. Nous avons réussi, le sentiment de peur s'est dissipé, et respirant librement, nous sommes rentrés à Siedlce et de là-bas, nous avons continué avec l'armée soviétique vers Brisk.
Toute la journée, nous sommes restés ensemble, tous les cinq. Les souffrances et les difficultés ne faisaient que nous unir, et nous avons décidé de ne pas nous séparer, même si nous devions arriver quelque part pour nous y installer. L'idée de former un collectif, dont nous ne serions pas les seuls à bénéficier, mais aussi tous les réfugiés de Kałuszyn qui viendraient à nous a pris forme, et immédiatement après que nous soyons arrivés à Bialystok avec les premiers sans abris, affalés, couverts de boue et gelés, nous nous sommes mis au travail et commencé à chercher un logement. Grâce à l'initiative de Shmuel Lev, nous avons réussi à trouver un trois pièces cuisine. Nous nous sommes faits des tables et des chaises, procurés de la vaisselle et de la literie. Et ainsi, petit à petit, nous avons organisé notre communauté. Plusieurs familles de Kałuszyn, et également quelques personnes seules se sont jointes immédiatement à notre communauté, nous avons ouverts plusieurs ateliers selon les professions des camarades. Les rentrées et les dépenses d'argent, tout était partagé.
La communauté a acquis une certaine réputation, il n'y avait pas que des Kałuszyner qui trouvaient de l'aide et le gite. Nous avons accueilli des familles entières. On dormait sur la table et les chaises. Petit à petit, nous avons aussi mis en place un bureau d'information, de sorte que des proches et d'une même famille ont pu communiquer entre eux deux côtés de la frontière, et nous les avons aidés à franchir les zones allemandes. Beaucoup de ceux à qui nous avons porté assistance vivent aujourd'hui en Israël.
La communauté a existé pendant quelques mois, elle a tout le temps subsisté par ses propres moyens et elle était basée sur la responsabilité de l'un envers l'autre. Ce fut un grand exploit, de fraternité et d'aide mutuelle dans une époque de solitude et de haine. Pour nous qui avions été touchés par un sombre destin, la communauté était notre maison.
Nous avons dû quitter Bialystok à cause des décrets, la communauté s'est dissoute mais nous avons accompli ensemble un long chemin, tant que le destin ne nous a pas séparés.
Je rappellerais aussi parmi ceux qui ont constitué le collectif : H. Volfman, qui se trouve à présent à Montréal, Shmuel Lev et Hadassah Zhondzhinski, que leur mémoire soit bénie.
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Traduit par S. Staroswiecki Octobre 1939
L'armée polonaise s'est effondrée et, épuisé par les lourds combats auxquels j'avais pris part sur les champs de bataille j'ai tenté de retrouver le chemin vers ma ville natale.
Avec de nombreux juifs et chrétiens qui avaient pris d'assaut la route les ramenant à leurs villages et shtetls, j'ai pris le train de la ligne Demblin-Otwock en direction de Praga [2].
J'ai trouvé sur la route pour la première fois les SS avec une tête de mort sur leurs casques. Un cri retentissant : « Halt ! » m'a stoppé net, et je me suis aussitôt retrouvé dans une position inconfortable. Je devais me justifier devant les SS avec des documents militaires polonais, et en plus, en tant que juif.
Leur mission était de conduire tous les militaires polonais arrêtés dans un camp de prisonniers, et les juifs militaires dans un camp spécial pour prisonniers de guerre juifs. Je devais faire face à ma première tentative de ne pas me faire attraper dans le filet des assassins. Je décidais de rebrousser chemin et d'attendre quelques jours. Deux camarades polonais sont repartis avec moi. Nous sommes allés dans un village et nous nous y sommes cachés pendant deux semaines dans une bergerie. Au fil du temps, nous avons élaboré un plan afin de nous rendre à Varsovie et éviter Praga2.
Le plan a fonctionné, et après cinq jours d'errance, nous sommes arrivés à Varsovie. La ville était encore dans le feu et les flammes, à cause des opérations de guerre. Les rues étaient jonchées de décombres, de maisons détruites et des foules de juifs erraient dans les rues. Varsovie faisait peine à voir, elle était méconnaissable.
Kałuszyn Novembre 1939
A la demande de mes parents, je suis venu quelques jours à Kałuszyn.
Dès mon arrivée, j'ai vu l'effrayante image d'un Kałuszyn incendié.
Des rues entières avaient été effacées de la terre, tout était brulé et il ne restait plus que les décombres des maisons détruites. On ne reconnaissait plus la ville, les quelques juifs dans la cour de la synagogue faisaient peine à voir. Dans les écoles primaires, ils étaient assis sur leurs effets, leurs enfants à moitié gelés dans les bras. Amis et proches s'observaient mutuellement et personne ne parlait. Ils n'avaient plus de mots, ils étaient étranglés par les larmes et les têtes se secouaient de désespoir : Qu'allait-il se passer ?
Chez Itshe Fuks, je rencontrais rav Naftole dans une pièce.
Qui ne se rappelle rav Naftole ?
Sa physionomie imposante, son pas fier dans les rues de Kałuszyn. Tous l'observaient et l'admiraient. A présent je voyais, un homme abattu, la barbe et les papillotes en lambeaux. Il se tordait les mains de tristesse et de douleur il priait pour ce grand malheur. Son fils me racontait les tourments et tortures que les juifs de Kałuszyn avaient subis. Comment la ville avait brulé, comment on avait mis les juifs dans l'église, toutes les souffrances et les meurtres. J'ai entendu jusqu' au bout toutes ces horreurs et, avec l'image terrifiante de ma ville en ruine, je suis reparti à Varsovie.
Les ateliers industriels du ghetto de Varsovie.
De novembre 1929 à avril 1942, j'ai été dans le ghetto de Varsovie et subi quotidiennement tous les malheurs d'être enfermé dans un ghetto, la faim, les épidémies et tous les décrets relatifs au travail, qu'on émettait pour exploiter la population juive affamée , afin qu'elle épaule la victoire du : « Deutschland über ales ».
Des grandes usines avaient été ouvertes dans ce but, qui comprenaient des milliers d'ouvriers de différentes branches professionnelles.
Dans le secteur du bois ou j'étais occupé, se trouvaient aussi quelques Kałuszyner : Yosl Dovid Avrontshki et ses enfants, Gershon Henikh Avrontshki et son fils Haïm Hersh (à présent à Détroit, en Amérique) et les frères Yankl et Shmuel Mitlberg.
Le chef de l'atelier du bois, Holman était un SS.
Il avait assuré à ses travailleurs esclaves à chaque occasion, que nous, les travailleurs productifs, qui travaillions pour les allemands nous ne serions jamais délogés, et ainsi, nous avons travaillé, tenaillés par la faim pendant tout ce temps, jusqu'à la liquidation du ghetto de Varsovie.
Fin mars 1943, nous avons re çu un ordre de la Gestapo que Varsovie devait être « Judenrein » [3].
Trente mille juifs, qui travaillaient encore dans les ateliers sont partis vers leur dernier chemin. Notre chef a réuni tous les travailleurs sur la place de rassemblement où il nous a retransmis l'ordre de la Gestapo de quitter Varsovie sur le champ, puis, que tout l'atelier, avec toutes les machines seraient transférées à Lublin où nous poursuivrions notre importante activité.
Ensuite il a dit que nous, le meilleur atelier de Varsovie devions partir les premiers à Lublin. Il nous a dit que là- bas, nous ne manquerions de rien. Il a demandé à ce que nous nous séparions dans le calme , que nous emballions de suite le nécessaire, et que nous nous préparions à quitter Varsovie le lendemain matin.
Nous connaissions la vérité sur Varsovie-Treblinka et nous ne sommes restés que quelques heures à décider ce que nous allions faire.
Nous nous sommes retrouvés dans ma chambre, moi, Pienknaviesh, Louzer le menuisier, Shklar, (le beau-frère de Ratman Lev), les frères Mitelberg et docteur Ringelblum. Tous les chemins qui sortaient de la rue Novolipie ou se trouvait l'atelier étaient bloqués et surveillés, sans la moindre possibilité de s'y échapper.
Au milieu de la nuit, l'atelier de bois a été la proie des flammes et un grand incendie a entouré l'atelier d'Holman. Un important incendie a éclairé tout Varsovie, toute la rue Novolipie était en flammes, l'agitation des pompiers et des SS était incroyable et quand l'heure de partir à Lublin arriva, personne ne vint..
C'est à cela qu'a ressemblé le début de la déportation des quelques juifs qui restaient de Varsovie.
Dans un bunker au numéro 16 de la rue Świętokrzyska
Après l'incendie de l'atelier de bois d'Holman, nous avons réussi difficilement à nous introduire dans l'atelier des brosseurs au 16 de la rue Świętokrzyska. Là- bas régnait une agitation semblable. Les gens s'enfuyaient de leur cachette. Je me trouvais dans le bunker souterrain, ou des tunnels menaient au jardin Karszynski du côté aryen. Les conditions dans le bunker étaient indescriptibles : pas d'air, pas de lumière, pas d'eau. On fondait littéralement sous la chaleur. On s'évanouissait pour une goutte d'eau et on était étouffé par l'exiguïté. J'ai souffert là pendant huit jours d'affilé, et ce n'est que tard dans la nuit, que moi et quelques amis sommes sortis du ghetto pour n'y trouver que des ruines et des morts, et il fut difficile de trouver un contact avec des vivants. Nous sommes retournés au bunker sans savoir ce qui nous attendait.
Une fois, à trois heures de l'après-midi, nous avons entendu des pas lourds au-dessus de la grande cave de la maison brulée. Les meurtriers couraient dans tous les sens et cherchaient l'entrée du bunker. Ils jetaient des grenades sur toute la zone jusqu'à ce qu'ils arrivent à trouver l'entrée et nous les entendions crier :
- « Juifs, sortez ! Il ne vous arrivera rien, vous allez seulement partir au travail ».
Voyant que tout était perdu, que l'heure était arrivée, dans un grand effort, j'ai creusé à toute vitesse un chemin sous le tunnel, dans une autre direction, pour échapper à une fin certaine. Le plan a marché, en quelques minutes, j'étais dehors du coté aryen, celui qui jouxtait le bunker. Je n'avais pas encore décidé ce que j'allais faire, quand soudain, j'ai entendu un cri :
- « Halte ! Les mains en l'air ! »
J'ai vu un SS, une mitraillette à la main.
Accompagné d'un chien déchaîné, je l'ai suivi, les mains en l'air et à moitié nu. Il nous a conduits au commandant à l'entrée du bunker. Là, j'ai vu une multitude de SS enragés, baïonnettes à la main. Le « Sturmführer [4] » m'a demandé si je détenais une arme et aussi si je connaissais les gens du bunker. Quand je lui ai répondu que les personnes du bunker m'étaient inconnues et que c'est seulement par hasard que j'avais couru là et que je m'y étais caché, il m'a montré du doigt. - Oui, c'est un véritable « mariolle», il faut l'abattre, mettez-le sur le côté !
Un SS m'a emmené de suite sur le côté et m'a ordonné de m'agenouiller, les mains sur la tête. Je me suis assis et j'ai consacré mes pensées à savoir comment finir ma vie. Je me sentais déjà à moitié mort, à tenir mes mains sur la tête. Sous mes yeux, les assassins ont extirpé les gens du bunker, hommes et femmes, jeunes et vieux. Ils leur ont demandé à tous de se déshabiller entièrement et ont cherché des armes dans leurs vêtements. Ensuite, deux juifs, soup çonnés d'être des insurgés se sont agenouillés près de moi. Les personnes nues nous regardaient et, dans un silence de mort, nous avons vu les juifs sortir du bunker l'un après l'autre et se mettre en rang comme on le leur ordonnait. Mais voici que sortait un juif, un livre de Torah dans les mains. Les assassins le conduisirent entre les rangs des femmes et hommes nus et le commandant lui demanda en se moquant, montrant le livre de la Torah
- « Juif, qu'est-ce que c'est ? »
- « C'est ma foi », lui répondit le juif et on lui ordonna immédiatement de jeter le livre de la Torah et de se mettre nu.
Le rang grossissait, 152 hommes étaient déjà dedans et parmi les derniers, expulsés du bunker se trouvait une jeune fille de 18 ans. Je me souviens d'elle c'était la fille du docteur qui avait été avec nous tout le temps dans le bunker. Elle se mit dans les rangs des femmes nues et ne se déshabilla pas.
- « On se déshabille », lui ordonna le SS. La jeune fille pleura et supplia, implora.
- « Je ne peux pas faire ça ! »
Fou furieux, le SS sortit son arme et mena ça de l'abattre.
Héroïquement la jeune fille sauta d'où elle était et cracha au visage du SS.
Le SS tira deux fois et, comme elle bougeait encore, tira une troisième fois mettant fin à sa vie.
Le SS, qui me surveillait ainsi les deux autres à côté de moi, me demanda si je connaissais la dame qu'on avait abattue et comme je lui répondais par la négative, il me dit : tu vas bientôt la connaître.
Il se faisait tard et la nuit tombait et on nous ordonna à tous de nous habiller. A la hâte, on nous mit en rangée de trois et on attend, et voici qu'arriva un véhicule blindé avec des soldats. Un officier de grande taille descendit du véhicule et le « Sturmführer » l'informa du déroulement des évènements dans le bunker et nous désigna, nous trois et moi particulièrement. Le grand officier jeta un coup d'il à sa montre réfléchit un instant et fit un geste de la main « égal »comme on dirait : de toutes fa çons, ils vont mourir…
On nous ordonna de nous mettre dans les rangs avec les autres hommes, sous lourde surveillance, on nous mena à « l'Umshlagplatz [5]» sur la Stawki à la gare de Gdansk d'où partaient les transports vers Treblinka et Maïdanek.
Dans le camp de la mort de Maïdanek-Lublin
Dans des wagons pleins à craquer, on nous a fait partir de Varsovie. Les conditions dans les wagons étaient effrayantes, une vraie promiscuité. Il n'y avait pas d'endroit où se tenir. Pas de fenêtre, pas de rayon de lumière, et pas d'air pour respirer. Les gardiens ukrainiens étaient sur les toits des wagons et tiraient pour qu'on ne puisse pas s'échapper, sauter des wagons. Où nous conduisait-on ?
Tout ce que nous demandons c'était de sortir des wagons où la moitié des hommes étaient déjà morts. Après deux jours de route, nous sommes arrivés à Maïdanek.
Je vois encore les crématoires brûler et fumer sans interruption. Les jeunes et les vieux étaient brulés en premier et ensuite, venait le tour des jeunes, des dizaines de milliers de femmes, hommes et enfants attendaient leur sort. Dans les baraquements, je retrouvais des proches, désespérés et perdus.
Le lendemain, on ordonna aux hommes de notre transport de s'aligner sur la place de rassemblement. Le commandant du camp ordonna que les ouvriers spécialisés se présentent. Un SS s'approcha de nous et nous dit qu'il voulait 20 bonnes tables pour son camp de travail à Kraśnik. Je fus sélectionné ainsi que 19 camarades de Varsovie, et le lendemain, on nous amena au camp de travail de Kraśnik.
11 mois au camp de travail de Kraśnik.
Nous sommes arrivés à Kraśnik le lendemain après-midi. Le même SS, Greger, qui nous avait retiré du transport et fait rentrer dans le camp nous a remis aux mains du commandant juif du camp Pessah Kove, un homme âgé, portant une étoile de David sur sa casquette de commandant. Le jeune commandant nous a pris, nous a donné à manger et les autres juifs nous ont regardé de loin avec curiosité et envie. Au crépuscule avait lieu, l'appel du camp et là- bas, on nous a réparti et défini notre travail. On m'a désigné pour être l'assistant du maître dans l'atelier de menuiserie mécanique. Pendant des mois, nous avons travaillé pour les intérêts privés du « Sonderkommando [6]»de Lublin. Y travaillaient, des cordonniers, des tailleurs, des menuisiers, des techniciens radio, des horlogers, des fourreurs etc. Le soir, après le travail, les juifs discutaient avec nous des évènements de Varsovie et du sort qui nous était réservé.
Là-bas de l'autre côté des fils barbelés du camp de Kraśnik, les juifs de Kraśnik regardaient leurs maisons qui étaient à présent habitées par des polonais et nous les montraient :
- « Regarde, c'est ma maison, c'est mon moulin, et moi je dois rester ici et attendre la mort… »
Toutes les personnes du camp étaient imprégnées de la volonté de s'enfuir. Et s'enfuir du camp faisait beaucoup de victimes. Si une personne s'enfuyait, le chef faisait immédiatement un appel sur la place de rassemblement et en abattait quatre autres. Sélectionner quatre personnes à abattre provoquait, parmi les personnes rassemblées, des scènes tragiques. Jusqu'à ce que nous discutions entre nous et décidions que nul ne devrait s'enfuir individuellement. Parmi les habitants du camp, nous étions trois qui avions commencé à considérer ces questions d'une manière organisée. Suivant les évènements politiques dans le monde avec les nouvelles à la radio de Londres annon çant que l'armée rouge faisait route vers la Pologne, j'avais décidé de rester vigilant…
En mission chez les partisans
Un mercredi, moi et deux camarades de Kraśnik Yosl Shmulker et Berish Helik sommes sortis du camp, prétextant que nous allions chercher du bois pour le travail. C'est ce que nous avions convenu auparavant avec le maître menuisier. Nous sommes sortis derrière la ville et là-bas, un paysan nous attendait déjà dans une voiture. Nous sommes partis avec des armes chargées, convenant entre nous que si les allemands voulaient nous arrêter, nous répondrions immédiatement par le feu. Nous avons roulé pendant des heures, rencontrant sur la route des gendarmes, des SS, la gestapo et nous circulions parmi eux comme jamais. Le paysan, notre chauffeur nous donna instruction, qu'en cas d'échec, nous devions dire que nous l'avions arrêté en chemin et forcé à nous prendre. Il a tourné vers une route secondaire vers un petit village n'ayant que quelques chaumières. Nous avons rencontré cinq partisans armés dans le grand bois qui se trouvait à proximité du hameau, qui nous ont amené à l'endroit convenu. Nous avons remarqué, dans la maison où nous sommes rentrés une non- juive qui s'occupait de cochons et nous suivait de ses regards. Son visage révélait immédiatement qui elle était…. Nous nous sommes assis à discuter avec le maître de maison et de suite, un homme d'un haut rang militaire accompagné de deux personnes s'est pointé, et nous a prié de le suivre dans une deuxième pièce.
Il a parlé longuement avec nous de libérer le camp de Kraśnik.
Il nous a expliqué que l'Armée Rouge était déjà près de Varsovie et que quand ils s'approcheraient d'ici, nous en serions informés. Alors, la nuit, nous devrions sectionner les fils de fer barbelés du camp. Il nous a conseillé d'éviter toute tentative d'évasion entre temps pour ne pas provoquer des victimes inutiles.
Un gardien armé nous a fait ressortir du village sur la route principale et un autre paysan nous a ramené à Kraśnik où les hommes du camp nous attendaient avec peur et effroi.
La liquidation du camp de Kraśnik
Fin août 1944, quand l'Armée Rouge a marché en direction de Lublin, nous attendions tous avec une grande tension qu'arrive le temps de notre délivrance. Nous attendions chaque heure qu'arrive la fin du camp.
Les partisans nous ont fait savoir par une lettre écrite en yiddish que le lendemain, un mercredi, à une heure du matin, le camp serait libéré, que des forces entreprendront une action .Moi et mes deux camarades avons entamé les préparatifs appropriées. Mais malheureusement, à notre grande surprise et regret, un ordre de la gestapo est arrivé, stipulant que tous devaient quitter Kraśnik jusqu'à 10 heures du soir, parce que l'ennemi était à 20 km de Kraśnik. En toute hâte, sous forte garde, on nous a conduits dans la nuit noire sur les routes où l'armée allemande se retirait. Nous étions cernés par des militaires et n'avions aucune possibilité de nous sauver. Beaucoup de ceux qui s'enfuyaient étaient abattus. Nous nous sommes trainés à pied jusqu' à ce qu'il fasse jour et nous sommes arrivés à une place de rassemblement où des wagons nous attendaient déjà avec de nombreuses personnes de Lublin évacuées en direction de Cracovie-Plaszow. A Plaszow, on concentrait les juifs de divers camps et, de là-bas ils étaient à nouveau transportés vers l'Autriche dans le grand et dur camp de concentration de Mauthausen.
Dans le camp de concentration de Mauthausen.
Nous sommes restés quelques jours à Cracovie-Plaszow et on nous a à nouveau envoyé dans des wagons plombés vers l'Autriche dans le camp de Mauthausen. Tout se passait dans la précipitation, l'ennemi nous talonnait. Les conditions dans les wagons étaient indescriptibles. Nous sentions que notre fin approchait. Pendant deux semaines, nous avons roulé de la Pologne à l'Autriche avec un demi-pain et de l'eau et tout le long de la route, des scènes effrayantes se passaient. Sur le chemin, la moitié des gens sont morts de faim et des terribles conditions sanitaires. Ce n'est qu'après 10 jours de voyage que nous sommes arrivés à Mauthausen. On a opéré une sélection dès notre débarquement du train. Les malades et les personnes faibles étaient mis de côté et étaient dirigées immédiatement vers les crématoires. Les autres étaient dirigés vers la douche et recevaient, après s'être lavé, une seule chemise et quelques sous- vêtements. On ne nous donnait pas de chaussures. Pieds nus et à moitié dévêtus, on nous a poussés dans les baraques où on nous a assis sur le sol l'un après l'autre. Nous avons dû passer la nuit ainsi. Personne n'avait le droit de bouger, c'est ce que nous avait ordonné un kapo, un civil allemand et criminel.
Nous sommes ainsi restés assis, serrés l'un contre l'autre sans le moindre mouvement. Si quelqu'un poussait le moindre gémissement, on versait sur nous de l'eau et on nous frappait la tête avec des matraques en caoutchouc. Là, j'ai vu pour de vrai ce qu'était un camp de concentration sur le sol allemand, un abattoir où des centaines d'hommes étaient torturés chaque jour. Le lendemain matin, on nous a emmenés au travail à la carrière. Des marches sans fin nous menaient dans les profondeurs jusqu'à ce que nous arrivions à une place où on cassait les pierres. Chacun devait prendre une grosse pierre et la remonter au camp. Nous allions ainsi, à moitié mort, en rangs de quatre, chacun avec sa pierre et c'est alors que Haïm Hersh Avronstshi se jeta sur moi et me dit en silence, en poussant un lourd « oy ! » qu'ils avaient donné une pierre si lourde à son père qu'il ne pouvait pas la porter. J'ai reposé ma pierre sur le champ et j'ai couru, j'ai pris la lourde pierre de son père, et nous avons grimpé les marches avec les lourdes pierres jusqu'à midi, et nous sommes repartis vers le baraques pour midi. Le kapo a distribué les bols pour chaque groupe de quatre, une pierre et tous les quatre, nous devions manger dans le bol avec les mains. Notre repas se composait de chou cru arrosé de vinaigre, chacun tirait une feuille de chou et essayait de la mâcher. Entendant bientôt un sifflement, nous reprenions notre marche pour tirer des pierres jusque tard dans la nuit.
Les jours et les semaines se passaient ainsi jusqu'à ce qu'on nous transfère à nouveau dans un autre camp non loin de Mauthausen. Melk était un Sous-camp d'un grand camp. Là, on m'a à nouveau intégré à une brigade chargée du bois dans une scierie où nous partions tous les jours à 6 heures du matin et revenions à huit heures du soir dans des wagons spéciaux, sous forte escorte.
La scierie qui se trouvait près du grand nud ferroviaire d'Amtshen faisait l'objet d'une fréquente surveillance des avions anglais et américains.
Ils bombardaient régulièrement les ateliers de Goering au Steuermark non loin de nous. En cas d'alarme, d'attaque aérienne, nous courions vers les tranchées et nous nous y cachions jusqu'à ce que le danger soit passé. Il y avait des attaques aériennes et une course vers les tranchées tous les jours. Les kapos avaient demandé au commandant du camp qu'il nous autorise, en cas d'alarme, à courir vers un lieu plus sûr, dans le bois. Il a cependant refusé leur demande et expliqué qu'il avait l'ordre de nous maintenir dans les tranchées à ciel ouvert et qu'il ne pouvait changer les ordres.
Le 13 mars à Amtshen
A 5h30 précises, nous étions déjà sur la place d'appel avant de prendre la route vers notre travail quotidien dans l'atelier. Une heure avant le début du travail nous avons entendu le sifflement ininterrompu des sirènes. Le commandant nous a expliqué que des bombardements de grande ampleur étaient en préparation dans toute la région. Les gardiens étaient effrayés et avaient peur de rester assis dans les tranchées ouvertes et, avec les kapos, ils ont commencé à négocier avec le chef du commando à nous autoriser à nous enfuir dans le bois, loin de l'usine. Le commandant a de nouveau refusé et nous avons entendu au-dessus de nos têtes le vrombissement et le bruit d'un grand nombre d'avions et nous étions figés et attendions notre sort. Au dernier moment, le commandant nous a donné son accord et, avec les gardiens, nous avons commencé à courir de toutes nos forces dans le bois. Beaucoup ne pouvant pas courir et, sans forces, tombaient au milieu de la route. A 10 heures pile, l'aviation alliée a attaqué la gare, les ateliers de bois et toutes les usines de toute la région. Jusqu'à 17h, le bombardement a duré. Toute la ville était en flammes. Quand le calme fut revenu, nous sommes sortis du bois, et nous n'avons plus vu l'exploitation …Tout avait brulé dans les tranchées où on se cachait avant. Deux grosses bombes étaient tombées qui avaient explosé et fait trembler la terre à plusieurs kilomètres. Nous nous tenions devant et observions les tranchées : A quoi aurions-nous ressemblés et où les membres de notre corps auraient tété éparpillés…Comme il n'y avait plus de train, nous sommes partis à pied vers le camp. Nous avons marché toute la nuit et à l'aube, le commandant nous a retrouvés avec une grande curiosité. Il voulait entendre ce qui s'était passé à Amtshen, il était très « content » que l'ennemi anglais ne nous ait pas tués, et nous a attribué à tous une cigarette.
La famine dans le dernier camp d'Ebensee [7]
Après la prise de Vienne par l'Armée Rouge, nous avons été évacués rapidement à Ebensee en Haute-Autriche. C'était le dernier camp qui restait du centre de Mauthausen. Là, toutes les personnes qui étaient restées étaient rassemblées des camps de Mauthausen pour le dernier acte de leur tragédie.
On nous avait supprimé jusqu'à la nourriture misérable que nous recevions dans tous les autres camps. La seule chose que nous recevions était un peu d'eau et des épluchures de pommes de terre. Il fallait vivre avec ça pendant une journée. Les hommes avaient enflé, et nous avons vécu dans cet état d'agonie jusqu'à la fin du mois d'avril 1945.
Sachant que le jour de la défaite de l'Allemagne s'approchait et que nos heures étaient aussi comptées, nous nous attendions à chaque instant à une action de liquidation. Nous rêvions de libération et avions peur qu'on nous tue au dernier moment avant la libération. L'armée américaine se trouvait déjà derrière Ebensee, les canons et les bombardements permanents nous tenaient en haleine et les SS couraient partout, déconcertés. Tout était sur la balance, les kapos allemands devenaient tout d'un coup humains vis-à-vis des détenus, ils sentaient déjà ce qui allait se passer. Le commandant du camp lan ça son dernier ordre : Nous devions nous réunir sur la place d'appel.
Nous subissions tous notre dernière épreuve : quoi faire ces dernières heures ? A moitié morts et enflés, nous luttions avec nous-mêmes. Quelques chefs de blocs menaient leurs hommes à la place d'appel et les autres avaient peur, et ne voulaient pas s'y risquer.
Un groupe d'intellectuels et de militaires de haut rangs de plusieurs pays, qui se trouvaient avec nous dans le camp avaient essayé de nous convaincre, à la dernière minute, de ne pas nous rendre à l'appel. à ce moment, tous ne se sont pas rendus à la place d'appel, et le directeur du camp, n'ayant pas assez de temps pour lui-même, n'en a pas fait une affaire cette fois. Il a expliqué aux personnes rassemblées, qu'en raison du grand danger de l'aviation ennemi, il aurait été préférable que les milliers de détenus se rassemblent dans les mines souterraines pour se protéger de l'ennemi américain. Il a assuré qu'il n'avait pas de mauvaises intentions et que dans ce but, il ferait le lendemain encore un appel et il demandait à ce que tout le monde vienne comme d'habitude à l'heure.
Ce « matin » n'est jamais arrivé.
Le même jour, le 6 mai, l'armée américaine a pris Ebensee.
Les SS se sont enfuis dans une grande panique, abandonnant tout ce qu'ils avaient. Les gardiens avaient jeté leurs armes et la grande porte d'entrée était restée ouverte. Plus de serrure, plus de gardien, mais nous n'avions pas suffisamment confiance pour aller voir tout seul ce qui se passait. Des civils passaient, nous disaient que les américains étaient déjà là en ville. Deux drapeaux blancs furent immédiatement levés au-dessus de la porte du camp et les détenus, rassérénés coururent dans la ville voir si c'était vrai. La tension était indescriptible. Quelques heures plus tard, les tanks ont fait leur apparition dans le camp. Le premier tank, conduit par un lieutenant américain, a pénétré dans le camp. Tous se sont rassemblés. A présent, c'était la véritable heure de l'appel …
Même les plus faibles étaient venus en rampant. Ils voulaient voir de leurs propres yeux l'heure de la délivrance. On entendait des cris de joie, et des pleurs exprimaient la grande tension du moment. L'agitation était grande et l'officier américain voulait calmer la foule. Il s'est pressé pour accomplir son devoir et a déclaré quelque chose. Mais la foule s'agitait, dépassée par ce grand évènement. Ce n'est qu'avec l'aide d'un vieux fran çais qui était monté sur le tank et avait traduit en allemand le discours de l'officier, que la foule s'est calmée. Dans un silence de mort, l'officier a déclaré :
-Vous êtes libres ! Mon armée est dans la ville, et demain matin, une unité spéciale viendra vous apporter à manger et vous aider à vous rétablir. Nous gratifiant d'un « good bye » amical, l'officier quitta le camp.
Ce même jour fut le dernier jour de mes années de souffrances de l'époque du régime nazi.
Les Kałuszyner en Allemagne
En octobre 1945, je suis arrivé à Landshut (Basse Bavière) comme employé à l'hôpital de camp américain, qui avait circulé d'Autriche, par la Bavière, à Landshut. Avec moi se trouvait aussi Haïm Herschel Popovski (fils de Gershon Henikh) et aussi quelques amis du camp de Kraśnik. Après la dissolution de l'hôpital américain, nous sommes restés à Landshut un groupe de cinq camarades et nous y avons vécu une longue période.
La première pensée de chaque détenu à cette époque était de rechercher les proches qui avaient survécu et les amis. Chaque jour, le nombre de juifs qui arrivait à Landshut ne cessait de grandir, ils venaient chercher et demander : Peut-être en avez-vous entendu parler ou vu ?…
Pendant les mois de janvier et février 1946 les premiers groupes de juifs de Pologne sont arrivés. Ils convergeaient tous en zone américaine vers la Bavière et nous avons re çus des nouvelles que des juifs de Kałuszyn se trouvaient à Munich. Les frères Avrohom et Melekh Kishelnistski, et Feyge Berman, sa femme furent les premiers à arriver. Sholem Kamienny et sa femme Rachel, paix sur eux et leur enfant, Hanke Kornblum (ma belle -sur) et Akiba Ruzhe. Quelque temps après, sont arrivés aussi Mirele Mikhelzon avec ses fils, les frères Berman (Mendel, Naftali, Yossef, Yehoshua) Mordechai Manishevitsch et Perl Kornblum (à présent Popovski). Ils apportaient tous avec eux la douleur de leur maison détruite de Kałuszyn.
En tant que président de la communauté juive de Landshut, j'avais une lourde tâche. Accueillir et installer les arrivants, s'occuper de leur trouver un logement, du travail et d'autres choses. Il était nécessaire d'intervenir quotidiennement auprès des autorités américaines et allemandes. Jusqu'en avril 1946, plus de 300 Kałuszyner sont arrivés à Landshut. A ma grande joie, ils s'y sont tous installés et trouvés là un foyer temporaire.
A Landshut, nous avons tenu la première cérémonie de commémoration des victimes de Kałuszyn. La date avait été fixée le mardi 24 décembre, 7ème jour de Hanoukka. L'annonce dans la presse juive de cette cérémonie avait attiré la plupart des réfugiés juifs survivants d'Allemagne. Ils sont tous arrivés à Landshut pour rappeler les morts et accompagner les survivants. Plus de 100 personnes de Kałuszyn se sont réunies pour honorer les milliers de martyrs de leur ville. La cérémonie de commémoration s'est tenue dans une salle de la communauté de Landshut. Eclairé par une bougie perpétuelle pour les 6 millions de morts. Le kaddish a profondément brisé notre cur et la prière s'est transformée en une mer de larmes.
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Haïm Popovski, président de la communauté juive de Landshut-1945 |
Après la prière, la seconde partie de la commémoration a eu lieu. Israël Reichenbach occupait la table du président avec Moshé Pasklinski, Eliahu Koski, Mendel Berman et Haïm Popovski. Dans un silence de mort, Haïm Popovski a commencé la cérémonie. Il a décrit la mort tragique des juifs de Kałuszyn et a rappelé le Kałuszyn d'avant avec sa grande population juive et ses activités associatives dans tous les domaines de la vie juive. Mendel Berman qui avait traversé tous les évènements tragiques, a lu devant nous ses notes des différents faits et dates ayant trait aux souffrances des juifs dans l'église, des deux déportations à la veille de Soukkot et de Hanoukka, de l'exécution de Moshé Kishelnitski et d'Avrohom Gamzu. Le président du « Judenrat », Haïm Reichenbach a lu quelques chapitres littéraires de mémoire des martyrs et Haïm Moshé Pasklniski nous a entretenu des problèmes des survivants et a appelé les Kałuszyner à quitter la terre allemande pour construire leur vie en Israël. Haïm Popovski a conclu la soirée par un appel aux Kałuszyner à maintenir l'honneur des personnes tombées, et, avec les forces rassemblées, aider les survivants à se rendre sur la terre de la délivrance. La soirée se conclut par l'Hatikva. Tous les Kałuszyner sont restés ensemble pour un repas mêlant la fraternité à la tristesse, jusque tard dans la nuit. On feuilletait les souvenirs d'avant, comme des frères et surs et comme un enfant à sa mère-notre ville d'antan- on ne pouvait pas épuiser la douleur et la nostalgie qui nous liait.
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Moshé Paskelniski avec une délégation de la commission de l'ONU à Bad Reichenhall-1947 |
C'est ainsi que s'est tenue la première cérémonie du souvenir et l'année suivante, nous avons organisé la cérémonie le même jour.
Lors de la seconde cérémonie, les Kałuszyner de retour de Russie y ont participé : Haïm Rayzman, Yoël Zorman, Eliahu Kaptsn, Simhe Berman, Yosl Tshekhonovitski, Avrohom Yudl Sharfstein, Berl Broyer, Haïm Gontarski, Yosl Tsukerman, sa mère, mes deux frères Yona et Fayvl et beaucoup d'autres.
Landshut a continué d'être le centre des Kałuszyner.
Lors de cette réunion générale des originaires de Kałuszyn, nous avons tous parlé de quitter l'Allemagne. A cette époque, monter en Israël n'était pas encore libre et le voyage en Amérique était aussi lié à des difficultés juridiques. Mais nous étions déjà en contact avec les camarades américains. Avrohom Piasetski et Vatarzh, la paix soit sur lui. Sur la base de leur télégramme de New York, j'ai eu les pleins pouvoirs pour enregistrer 20 Kałuszyner pour l'Amérique. Ce qui a permis l'émigration de 20 familles de Kałuszyn en Amérique.
A la création de l'état d'Israël, la montée en Israël a aussi commencé.
Fin 1949, il ne restait plus à Landshut que quelques Kałuszyner jusqu'à ce que moi aussi, je parte en Amérique. C'est ainsi que fini la communauté juive à Landshut et aussi l'histoire des juifs de Kałuszyn dans cette ville.
J'estime que nous avons été à la hauteur de ce qu'il convenait de faire, beaucoup de temps et d'efforts ont été consacrés pour aider le reste des survivants de notre ville ,et par là même, à être fidèle à l'honneur de nos martyrs.
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Un groupe de Kałuszyner en Allemagne-1947 |
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Des Kałuszyner à Landshut, à l'inauguration d'un monument en hommage aux morts dans les camps. |
[Page 432]
Traduit par S. Staroswiecki
A la fin de l'été 1942, je travaillais en Union soviétique dans une usine de produits chimiques. Les nouvelles effrayantes relatives aux tueries nazies et leurs actes barbares m'avaient complètement secoué, et je sentais que mon devoir était d'aider de toutes mes forces à la victoire contre le bestial occupant nazi. Je m'étais porté volontaire au Voyenkom[1] et exprimé ma demande d'être incorporé aux forces en lutte.
Ma demande fut acceptée, et après subi un cours d'entrainement de deux semaines dans une école de conduite, j'ai été envoyé dans une compagnie de liaison, au quartier général de l'armée polonaise. J'y travaillais là- bas comme chauffeur dans une station radio.
Je suis passé par la route de Lenino à Moscou, assisté à la libération de nombreuses villes en Russie même et plus tard, aux combats et aux victoires dans les villes et villages de Pologne.
J'ai eu également la joie et la douleur de libérer Kałuszyn, mon village natal, détruit par les mains nazies. J'ai aussi été à Maïdanek pour exécuter l'acte de pendaison des dirigeants du camp. J'ai participé à la libération de Lublin et de toute la ligne de Garwolin, jusqu'à ce que nous ayons percé jusqu'à la Vistule, conquis Varsovie, poursuivi notre avance, de Varsovie aux portes de Berlin.
Après la capitulation allemande, j'ai de nouveau été affecté à Varsovie, et en janvier 1946, j'ai été chargé de collaborer avec la mission militaire polonaise à l'office de contrôle. Là- bas, on m'y a confié une tâche importante : Reconduire un certain nombre d'assassins allemands en Pologne afin de les faire juger.
Le plus beau et plus heureux jour de ma vie fut quand j'ai eu la confiance et le droit de surveiller le gauleiter de Dantzig[2], Albert Forster[3], qu'on avait arrêté, ce sale assassin nazi qui, à l'époque du différend relatif au corridor de Dantzig, avait été une des principaux initiateurs et celui qui avait déclenché la guerre germano -polonaise. C'était un des types les plus bestiaux. Il était responsable de l'assassinat de centaines d'activistes politiques et d'une multitude de juifs. Grande fut ma joie de voir qu'il avait été condamné à une juste peine : la peine de mort pour Albert Forster.
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L'assassin de Dantzig, Albert Forster sous la conduite de Yenkel Rey |
Ce fut ma petite contribution au combat que l'armée polonaise a mené, afin d'obtenir la victoire sur le fascisme nazi, le plus grand ennemi de l'humanité.
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Updated 02 Dec 2012 by JH