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Traduit par S. Staroswiecki Ca s'est passé à Shabbat, la veille de Shavouot[1], en 1920. A quatre heures, après la sieste sabbatique, alors que mon père venait de se lever pour se plonger dans un livre, reb Yehoshua Haye- Sores, mon maître, est arrivé pour nous interroger moi et mon frère Itzhok Aaron sur un chapitre du Pentateuque. Mon père était assis, son shtreimel sur la tête, prêt à recevoir un invité et ma mère servait des fruits à table. Soudain l'on sonna.
-« Ca brûle ! »Tous couraient et criaient :
-« Où ça brûle ? »Mon père ne voulut même pas s'approcher de la fenêtre.- « A la décharge, derrière l'église ».
-« C'est Shabbat », disait-il « Et il faudra bien se rendre à l'oratoire ».Il continua la lecture de son livre, mais la cloche sonna encore plus fort et, tout en poussant des cris tout le monde courait sans savoir où aller. Dans toutes les maisons, on se mettait à emballer ses affaires. Un vent mauvais soufflait et des étincelles volaient de tous côtés. Les pompiers courraient de maison en maison et en expulsaient les gens. A présent, c'était l'école qui brûlait. Et aussi le marché ; et tout le monde s'agitait et nul ne savait ce qu'il fallait sauver en premier.
La femme de Yerahmiel Psishtavtse saisit un sac à demi plein de pommes de terre pour le remplir d'eau. Elle avait à peine fait demi-tour que sa maison était déjà partie dans les flammes. Mon père ne permit pas que l'on sauvât tout car c'était Shabbat. Le feu s'approchait de notre maison. La garde commençait à jeter par la fenêtre tout ce qu'ils pouvaient. Nous avons saisi quelques coussins, quelques livres de commentaires et nous avons décampé de la maison car elle brûlait déjà.
Et moi, jeune homme qui venait de faire sa bar-mitsva, j'ai attrapé quelques coussins pour les déposer dans la cour de Dovid Rozhe à l'autre bout de la ville, car il y avait là- bas beaucoup de gens. Dovid Rozhe avait ouvert les portes de son moulin et tout le monde venait déposer les couvertures et draps qu'ils avaient pu sauver. Après avoir déposé les coussins et être retourné chez moi en courant, j'ai trouvé ma maison en flammes et je n'ai pu m'en m'approcher parce que les pierres étaient brûlantes. J'avais mis sous mes pieds des pantoufles en bois parce que je ne pouvais pas mettre mes chaussures et je suis resté planté à regarder la ville brûler. Les gens se tenaient debout et pleuraient en regardant leurs noires cheminées. Je remarquais que mon père se tenait là, cassé et pleurant.
-« Pourquoi pleures-tu ? » lui ai-je demandé et mon père m'a répondu en poussant un lourd : Oy. -« Le talith et les tefillin ont brulé, et tes nouveaux tefillin aussi, ceux que tu avais commencé à mettre il y a un mois, ils ont brulé ». J'ai éclaté en larmes .
La nuit était tombée ; c'était jour de fête au shtetl, c'était Shavouot, mais quelle tristesse. Nous sommes allés chez Dovid Rozhe. Il nous a attribué deux petites pièces. Ma mère s'est couchée sur le sol et a pleuré. Mon frère s'est endormi et je me suis allongé. Tsipe Rose a apporté une petite table et quelques chaises, a posé quatre bougies et deux pains tressés avec du poisson et de la viande. C'était Shavouot pourtant..
Mon père est parti prier à l'oratoire et j'ai piqué un somme. Puis je l'ai entendu me réveiller ainsi que mon frère, Haïml Itzhok « Ecoutez le Kiddush ! ». J'ai ouvert mes yeux endormis et j'ai vu comme dans un rêve ma mère se tenir debout et faire une bénédiction sur la bougie. Mon père disait : -« Ne pleure pas c'est jour de fête ». Il a fait lui-même le Kiddush avec ferveur en récitant : « Acher bahar banu mikol am »[2] tout en essuyant ses larmes.
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Traduit par S. Staroswiecki Dès la fin des pluies d'automne, le sol trempé a immédiatement été recouvert de givre, et la première neige a décoré le shtetl en l'honneur de Hanoukka.
A la tombée de la nuit, notre rue, la rue de la synagogue s'est animée. De tous côtés, les gens ont commencé à converger vers l'ancienne maison d'études afin de procéder à l'allumage de la première bougie de Hanoukka. Malgré que l'on porte les vêtements de la semaine, les visages portaient l'éclat de la fête. Les petites bougies nous disaient qu'il fallait garder espoir …
C'est à Hanoukka que les enfants étaient le plus heureux. Ces chers petits de Kałuszyn qui venaient, les nuits froides d'automne du heder, souvent affamés, et les chaussures déchirées -. Ils rayonnaient de bonheur le soir de Hanoukka, pendant qu'ils aidaient leurs pères à allumer les bougies et les placer dans la Hanoukkia[1]. Elle était faite de pommes de terre évidées, dans lesquelles on déposait des mèches à base d'ouate trempées dans l'huile. Les yeux des enfants brillaient de joie quand ils jouaient avec les toupies que l'on créait à partir de bobines de fil.
Le soir de Hanoukka, on n'allait pas au heder, on venait du Talmud Torah directement à la maison d'études, chaque classe séparément. Les premiers à arriver étaient les plus jeunes. Ils portaient des chapeaux à six coins et apprenaient l'alphabet avec reb Nachman. Venaient ensuite les jeunes du houmash Rachi[2] qui étudiaient auprès du sévère enseignant Isroel Dovid. Les derniers à arriver étaient les étudiants de la Guemara et des Tosafos[3], qui venaient étudier auprès des grands maîtres Reb Moyshe Layzer et Reb Shmul Kalman - fermement ceints par des ceintures, coiffés de bonnets en tissu plats desquels ressortaient des papillotes bouclées comme des fleurs.
La vieille maison d'études prenait un air de fête. Sur tous les poteaux de la chaire brulaient les lampes à manchons, et une forte chaleur émanait des deux fours en carreaux de faïences. Même Moshé Ksil, le bedeau, qui était toujours grincheux et méchant, lui qui ne lâchait pas les enfants des yeux à cause des tracas qu'ils lui causaient, regardait maintenant sourire aux lèvres, toute cette marmaille qui s'installait sur les sièges près de la grande lampe de Hanoukka en laiton brillant.
Tout le monde se tut lorsque le hazan de la ville, Yekhiel Shmerl commença à se déplacer avec la bougie principale en direction de la grande Hanukkia. Soudain, une clameur composée de centaines de petites voix d'enfants s'éleva: Il arrive! Il arrive, il arrive! . Les cris s'amplifiaient à mesure que la flamme se rapprochait et déambulait comme une étoile dans la foule de juifs aux chapeaux noirs. L'enthousiasme atteignait son plus haut point lorsque le hazan récitait les bénédictions. Un A m e n puissant retentissait dans l'enceinte de la maison d'études comme des centaines de clochettes d'argent suivies par des cris en fonction des mouvements du hazan: «il allume, il allume! Il l'a fait, il l'a fait! "Les enfants enthousiastes tapaient de leurs petits pieds affluaient comme une pluie de grêle.
La joie des enfants s'était propagée aux adultes. On pouvait voir comment les artisans aigris, aux visages plissés par les lourdes préoccupations souriaient et riaient aux larmes. Hershl Tomak et Moyshe Bedner, en bons petits farceurs, avaient éteint en silence la bougie principale, le shames, pour que l'on recommence tout le spectacle. Efroïm l'enseignant, une membrane à l'oil et les sourcils broussailleux, agitait ses mains, comme un chef d'orchestre, encourageant les enfants à crier avec encore plus d'énergie et encore plus fort. Même les plus respectable membres de la communauté, à la tête desquels se trouvait le vieux rabbin riaient sous cape dans leurs barbes blanches et ne dérangeaient pas les enfants qui s'amusaient à Hanoukka, comme un rabbi hassidique de Kałuszyn l'avait ordonné auparavant, dans son testament …
Peu de temps après l'allumage des bougies, les étudiants de la yeshiva de Kałuszyn, sous la direction de leur dirigeant Reb Tsvi Dantziger ont donné une représentation composée de chants et de danses hassidiques. Le visage du grand érudit était pâle et plein de tristesse. Cette noble personne n'était pas partisan de toutes ces nouveautés. Dans ses magnifiques sermons, pour lesquels les jeunes venaient de partout, il discourait avec ironie de la civilisation, qu'il renommait la tsibelesatsie[4]. Mais lui-même si strict et raffiné, se réjouissait avec tout le monde la nuit de Hanoukka.
Les nuits de Hanoukka étaient constellées d'étoiles. La neige brillait comme pour éclairer ce petit monde divin. Les arbres dans la cour de Royzman étaient couverts comme avec fleurs blanches et le ruisseau à proximité coulait rapidement, comme chassé pour éviter de geler. Sur la colline de Layzer Farber les traîneaux grinçaient, les camarades glissaient de la montagne et sur les trottoirs de la rue principale les jeunes couples se promenaient sans se presser rêvant à leur bonheur futur. Des locaux des partis, les jeunes sortaient, livres aux bras, on voyait sur leurs visages le fardeau du travail et les réflexions sur les grands problèmes du monde. La vie ne leur distribuait de la joie que sur le dos de la cuillère, et y aspirant avidement, ils profitaient de l'atmosphère insouciante de ces nuits pour se lancer des boules de neige avec un tel enthousiasme que leurs joues pâles viraient au rouge.
Les nuits de Hanoukka étaient brillantes, lumineuses et pleines de joie. L'odeur agréable des latkes[5] flottait depuis toutes les fenêtres jusque tard dans la nuit. Les bougies de Hanoukka vacillaient lentement; un par un les volets se fermaient, et la nuit enveloppait les petites maisons en bois de la ville. De loin, on pouvait entendre le fort crissement des roues du train à la gare de Mrozy. Ou peut-être était-ce déjà l'Ange de la Mort battant des ailes en chemin vers le shtetl ?
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Traduit par S. Staroswiecki Le dicton populaire dit que la fièvre n'est pas une maladie et que Pourim n'est pas une fête. Cependant, comme je l'ai découvert en Israël il y a de cela 25 ans, la fièvre est en effet une maladie, et de mes années d'enfance à Kałuszyn, je sais que Pourim est vraiment une fête.
Avant même le début de la fête, le shtetl baignait dans une atmosphère festive. Les jeunes garçons étaient libérés du heder plus tôt que d'habitude, et nous utilisions le temps libre pour nous préparer à la lecture de la Méguila[1]. Nous nous approvisionnions en crécelles décentes pour exterminer le méchant Haman lors de la lecture, et surtout pour préparer les masques que nous portions ensuite.
A Pourim on pouvait voir des bandes de garçons, écumant les rues, vêtus de toutes sortes de costumes colorés, portant des masques et faisant retentir leurs crécelles. Les jeunes se rassemblaient pour leurs préparatifs et se préparaient «à se faire» le shtetl dès la fin de la lecture de la Meguila. Jeunes et grands prenaient part à ces préparatifs - les élèves du heder, les étudiants de yeshiva et beaucoup d'adultes.
On sentait que Pourim approchait particulièrement dans les épiceries et les échoppes de fruits, où les ménagères achetaient de bons produits pour les shlakhmones[2].Nous, les jeunes étions aussi occupés à faire nos achats au bazar de Yosele Zimel. Nous achetions des «pistolets» avec de la poudre, des masques et du maquillage, des papiers de couleur et des rubans, et d'autres choses nécessaires à Pourim.
Nous avions toute liberté ce jour-là. Nos mères et nos surs ainées étaient occupées à préparer des spécialités pour la fête de Pourim et n'avaient pas de temps pour nous. Nous avions alors entière liberté de nous livrer à toutes sortes de jeux d'enfants, autant que nous voulions
Dans l'après-midi, la veille de Pourim, on pouvait entendre les voix des adultes et des jeunes répéter la lecture de la Meguila, et au crépuscule on pouvait clairement voir que Pourim était, après tout, une vraie fête.
Vêtus de caftans de satin et de ceintures de soie, de kitls[3] brillants et de shtreymls, on pouvait voir les juifs dans les rues et les ruelles se rendre aux oratoires, aux maisons d'étude et à la grande synagogue.
La cour de la synagogue était toute éclairée par la lumière qui filtrait à travers les fenêtres de la maison principale de culte et de tous les oratoires alentour, ainsi que des fenêtres de la maison du rabbin Shmuel Kopl Klingsberg. Des centaines de personnes affluaient dans la cour, chacun vers son lieu de prière.
Dans l'oratoire de Parysow', d'éminents Hassidim arrivaient à l'heure: Reb Shmuel Kalman, Lozer - l'abatteur rituel, Berl Dechnever, Lozer - le fils de Pessah-Yoyne, Nokhem - l'abatteur rituel, Kaddish - l'enseignant, Moyshé Yavorski, Peretz - le meunier, Sholem Sertzyner, Haïm Yitzhak - aux cheveux blancs, mon père (qu'il repose en paix), et beaucoup d'autres. L'oratoire se remplissait de fidèles, chacun prenaient sa place fixe, et les jeunes avec les crécelles et de bâtons occupaient toutes les tables et emplacements, prêts à exterminer Haman. L'atmosphère de fête grandissait et Pourim se reflétait sur tous les visages.
Les femmes aussi, cessaient de travailler dans la cuisine, la laissant pour plus tard. Vêtus de leurs plus beaux atours elles se pressaient vers la synagogue, où la section des femmes était pleine de l'éclat des lumières et de l'odeur des mets.
Le maitre de lecture passait en revue les derniers préparatifs, et toutes les oreilles se dressaient. Chaque fois que le mot Haman se faisait entendre, les crécelles étaient agitées et les bâtons frappaient le sol.
Dès la fin de la lecture de la Meguila, les femmes se précipitaient à la maison pour finir leur travail et préparer les bons plats. Les enfants, excités par le vacarme des hochets, attendaient leurs pères, puis rentraient à la maison confiants que le méchant Haman ne se relèverait jamais …
Toutes les maisons de la ville étaient illuminées et après avoir célébré le repas de fête comme il se doit, on commençait à s'amuser dehors : Velayehudim haita ora[4].
Des bandes de jeunes déguisés se répartissaient en fonction des places et des rues et on commençait à « travailler la ville » et à «recueillir» l'argent de Pourim. Ils se rendaient d'abord chez les notables, mais ne négligeaient pas non plus les moins bien nantis. Ils s'infiltraient dans les maisons comme s'ils étaient ivres et entonnaient le chant de Pourim:
« Aujourd'hui, c'est Pourim, demain la fête sera finie - donne nous trois sous et mets nous dehors ».
En réalité, on n'acceptait pas une pièce de trois sous et on ne nous mettait pas facilement à la porte. Nous n'envions pas les radins - les enfants déguisés faisaient un tel raffut que la seule chose qu'on pouvait faire était de les jeter dehors.
Les festivités duraient jusque tard dans la nuit. Le lendemain matin, on recommençait tout: la lecture de la Meguila, le vacarme des crécelles et les bâtons, et après le repas de fête, on commençait les shlakhmones.
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Reb Moshé Aharon Soroka |
Pour nos parents, il s'agissait d'un travail sacré, une mitsva. Pour nous, les enfants c'était une mitsva avec un petit quelque chose en plus: Pour chaque livraison, nous recevions quelques centimes de chaque côté - des expéditeurs et des destinataire -. Avec cet argent, nous achetions des sucreries et des noisettes, et avec les bonnes choses que nous subtilisions en secret dans les shlakhmones, nous observions nous même la mitsva et un jeune honorait l'autre d'un shlakhmones.
Avec grande ferveur, mon père, Moyshé Aaron, de mémoire bénie, confectionnait lui-même les shlakhmones pour sa famille et ses amis. Tout était disposé sur une belle assiette. Il y avait au centre un fruit de Terre Sainte et tout était recouvert d'une belle petite nappe. Lorsque c'était prêt, il me le remettait pour que je le livre.
Le premier shlakhmone allait au très respecté Hassid de Parysow, Reb Shmuel Kalman. Il était l'ami de mon père et mon professeur au heder. Ensuite, je portais les cadeaux de Pourim à Lozer Pessah-Yoyne, à Berl Dekhnever, à Lozer, l'abatteur rituel, à Nokhem, l'abatteur, à Itshe Meyer Furmanski, à Kaddish, le maître d'école, et à d'autres. Ensuite, on allait de famille en famille et on apportait et recevait. Cela durait toute la journée et la maison était remplie de mets et de bonnes choses.
A la tombée de la nuit, après s'être réparti tous les shlakhmones, les enfants faisaient le compte des bénéfices de la journée et on comptait ses «gains» en faisant sonner les pièces.
Les adultes aussi, étaient occupés ce jour à compter les dons recueillis pour les différentes sociétés de bienfaisance: l'instruction religieuse, l'assistance aux pauvres mariées, un toit pour les sans-abri, les prêts aux nécessiteux. Tout particulièrement, les membres de la hevra -kadisha, qui s'étaient déguisés ce jour-là, dansaient et chantaient dans la nuit .Et, selon la tradition des personnes déguisées, elles recueillaient des pièces de trois sous…
Le jour suivant, Shushan Pourim était le point culminant de toute la fête - nous faisions un festin dans la joie, persuadé qu' Haman avait été anéanti …
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Traduit par S. Staroswiecki Le jour d'incorporation à l'armée et de la présentation devant la commission médicale de conscription se rapprochant, les jeunes recrues ont commencé à boire du thé fort, manger peu, beaucoup fumer, avaler des noyaux et surtout, ne pas dormir la nuit.
La commission de recrutement commençait toujours ses activités à la veille du printemps, quand les nuits tombaient déjà plus tard, et qu'il n'était pas facile de passer de si longues nuits de garde. Les groupes de conscrits, qui trainaient la nuit dans les rues faisaient des misères à diverses personnes bien connues en ville.
On avait décidé de tirer un juif de son sommeil, par exemple Dovid Birenbaum, de mémoire bénie. Nous étions à sa fenêtre et frappions tout doucement :
- « Reb Dovid, reb Dovid ». Et quand reb Dovid demandait d'une voix endormie : -« Qui est là, que voulez-vous ? ». On lui répondait :-« Votre gendre ne se sent pas bien, faites venir un docteur ». Nous allions immédiatement dans la rue d'à côté, entendions un -« Oy vey ! », et les pas de reb Dovid courir chercher un docteur. Et quand reb Dovid arrivait avec le docteur chez le jeune couple, ils n'étaient au courant de rien, les pauvres, et s'exclamaient : -« Papa, pourquoi donc un docteur ? que s'est-il passé ? ». C'est à peine s'ils trouvaient une allumette à allumer. On ouvrait la porte à reb Dovid qui tremblait de froid. Le docteur ne comprenait pas du tout ce qui se passait, il empochait ses honoraires et s'en allait. Et nous, les recrues nous rions au loin et étions satisfaits de notre tour. Reb Dovid retournait dormir et on préparait déjà une autre espièglerie..
Une nuit, nous avons joué le tour suivant : Nous avons frappé à la porte du coiffeur Shmuel Krigerman , l'avons informé qu'on avait pénétré dans son atelier de coiffure et volé tous ses instruments et ses mirroirs. Ce Shmuel Krigerman, fils de Moshé le coiffeur était très sûr de lui et ne craignait personne, parce qu'il disait qu'il avait tous les gens de la ville en poche. Et c'est à lui justement que nous nous sommes pris. Quand il a entendu qu'on lui avait volé les instruments et les miroirs, il s'est rendu immédiatement avec sa femme à l'atelier de coiffure. Mais ils furent très étonnés de voir que le magasin était fermé. Ils ont immédiatement décidé que c'était un tour que leur avait joué leur concurrent Shlomo Obfal. Et bien que Shmuel ait été un communiste qui n'avait cure ni des rabbins ni des rebbe, il traina immédiatement l'innocent Shlomo Obfal chez le juge rabbinique reb Naftole. Shlomo Obfal jurait qu'il ne savait rien de l'affaire mais rien n'y faisait, jusqu'à ce l'affaire arrive à la police et au tribunal. Deux jours seulement avant le procès, les conscrits envoyèrent une lettre à Shmuel Krigerman lui expliquant que l'affaire avait été montée par les conscrits et que Shlomo Obfal était totalement innocent.
Nous nous amusions aussi à faire des bêtises au cour des commerces, nous échangions les pancartes des magasins de bouchers avec celles des drogueries, celles des commerçants avec celle des cordonniers et nous déplacions les étals du marché loin derrière la mairie. Au matin, les gens ne retrouvaient pas leurs biens et les cherchaient dans les moindres recoins.
Ces plaisanteries étaient le lot commun des petites bourgades juives après la libération de la Pologne quand s'était posée la question de servir dans l'armée polonaise.
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Traduit par S. Staroswiecki Jeune homme, j'étudiais auprès de l'enseignant Reb Tsalke, mais, lorsqu'à l'été 1912, il tomba malade du typhus, mon père ne voulut pas que je parte « à la dérive » et me confia un certain temps à un autre enseignant, Reb Isroel Acher.
A l'étude de Reb Isroel Acher, nous étions sept élèves, et nous comptions parmi nous un membre d'une des familles les plus aisées de Kaluszyn, le jeune Mordekhaï, fils de Reb Yitzhok Leyb Goldstein, le patron de la tannerie.
Reb Itzhok Goldstein se rendait parfois aux bains de Karlsbad et en ramenait toutes sortes de cadeaux pour sa famille. Une fois, Il ramena pour son fiston Mordekhaï une petite boîte, dont le mot Karlsbad était gravé dessus et à l'intérieur de laquelle se trouvaient de petites pierres en nacre.
Mordekhaï 'était très ému d'avoir reçu ce beau cadeau et l'avait rapporté à l'étude pour le montrer à ses amis. Nous étions tous très jaloux et soudain, un de nous, à la jalousie excessive fit disparaître la boite.
Grande était la peine du jeune homme. Reb Acher en a aussi beaucoup souffert. Il a mené une enquête auprès de ses élèves mais sans succès. Alors que restait- il à faire ?
Un beau matin, alors que tous les élèves étaient assis autour de la table avant le début du cours, notre maitre Reb Isroel Acher a sorti sept pailles et a dit :
-« Regardez bien, les enfants, toutes les pailles ont la même taille. Vous allez tous en prendre une et celui qui aura subtilisé la petite boîte se retrouvera avec une plus grande paille. »Un jeune homme fut immédiatement saisi de frayeur et coupa un bout de sa paille Et c'est ainsi que fut retrouvée la belle petite boîte de Karlsbad de l'élève Mordekhaï Goldstein.
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Traduit par S. Staroswiecki Reb Pessah était spécialiste en réparation et retournement de vieux shtreimel élimés. Il était petit de taille et large d'épaules et avait la barbe flottante. Sa barbe était si fournie qu'elle donnait l'assurance que l'on pouvait faire travailler facilement chaque shtreimel, et ses lèvres pulpeuses dans sa barbe abondante nous confortaient dans l'assurance qu'avec un tel appétit, tout ne pouvait que bien se passer.
Et arriva le jour où Reb Pessah vint réparer le shtreimel élimé de Reb Henikh l'abatteur rituel.
Pessah avait disposé son fil et son aiguille et s'était mis de suite au travail un dimanche matin
Quand Henikh a demandé à Reb Pessah quand il terminerait le travail, Pessah lui a répondu que, si Dieu veut, ce serait fait pour mercredi jeudi, mais sans engagement.
Reb Pessah a décousu, cousu, brossé et peigné les poils du shtreimel et Reb Henikh l'abatteur lui a, comme il le faisait d'habitude préparé un verre d'alcool pour lui donner du courage accompagné de rate farcie (un en -cas), pour que ses mains soient fortes afin que le travail avance et que le shtreimel soit prêt pour Shabbat.
Mais il s'avéra que le breuvage alcoolisé et les mets (le 69 pur et la petite rate farcie) eurent beaucoup de succès et plurent tant à Reb Pessah que les poils du shtreimel commencèrent à grandir et que l'aiguille et le fil allèrent de moins en moins vite et pourquoi donc se presser ? On pouvait aussi faire un commentaire de la Torah et bénir son nom sur la nourriture et la Torah.
Reb Pessah a donc fait durer le travail de jour en jour, et mardi et mercredi sont passés.
Nous étions déjà vendredi et Reb Henikh l'abatteur rituel, le hassid de Ger dut se rendre à l'office sans shtreimel.
A la fin de la seconde semaine, alors que la veille de Shabbat s'approchait et que Reb Henikh avait commencé à avoir peur d'aller prier pour la deuxième fois sans shtreimel, il est entré dans une grande colère et s'est rendu au Heder ou Reb Pessah cousait et décousait avec grâce. Le shtreimel était devenu gris et était bien parti pour une troisième semaine, et Reb Henikh, énervé a poussé un cri :
-« Dites moi Reb Pessah, combien de poils a donc un shtreimel ? »Reb Pessah, effrayé, ne put répondre et dire combien de poils avait un shtreimel . Il se mit à peigner sa barbe fournie avec son nécessaire à couture.
Mais comme il n'avait pas reçu ce jour son accueil habituel - un verre de 69 et une rate farcie- Reb Pessah en resta marqué et ce même jeudi soir, précisément à l'heure de la prière du soir, le vieux shtreimel fut réparé. Flambant neuf, bien cousu tout autour, les poils déployés du shtreimel brillaient comme la couronne du roi David.
Et Reb Henikh l'abatteur rituel, put finalement prier le second Shabbat dans un shtreimel flambant neuf, et tous les hassidim de Ger lui dirent « Tishadesh »[1] .
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Traduit par S. Staroswiecki
Yossele avait rassemblé toutes ces pièces dans un paquet, noué dans un tissu, et avait séparé la pièce en or. Il l'avait cachée profondément dans la poche de sa veste, exactement comme on doit protéger un trésor.
Tout le long du chemin, l'attention de Yossele s'était moins portée sur le lourd paquet de pièces que sur le grand trésor -la pièce en or de cinq roubles. Il plongeait deux doigts sans arrêt afin de s'assurer que le trésor ne s'était pas fait la malle.
La nuit tombant, quand le cheval arriva sans encombre à la maison, Yossele voulu montrer le trésor à sa femme. Il s'avéra que le trésor avait disparu et qu'il y avait un large trou dans la poche de sa veste en lieu et place de la pièce en or.
Apparemment, Yossele, à force de gratter avec ses deux doigts dans la poche , avait fait un trou et frayé un chemin à la pièce d'or.
Honteux, affligé et stupéfait, Yossele était resté figé devant sa femme. Oh quel malheur ! En lieu et place d'une pièce d'or, il se retrouvait avec un trou dans la poche.
Yossele était parti immédiatement noyer son chagrin avec une bouteille et avait cherché l'or perdu à travers les gouttes de pluie.
On disait en ville qu'il ne fallait pas cacher de trésor, parce que si tu tombais sur un trésor, alors tu pourrais aussi avoir un grand trou.
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Updated 04 Nov 2012 by JH